Abbaye

  • Encyclopédie de famille

Abbaye, communauté monastique régie par un abbé ou une abbesse. Telles furent les célèbres abbayes du Mont-Cassin, de Fulda, de Cluny, de Saint-Denis, de Saint-Gall, de Citeaux, de Clairvaux, etc. En France, la plus ancienne abbaye de femmes était celle de Sainte-Radegonde, à Poitiers, fondée par cette pieuse reine en 567. D’autres souverains et de puissants seigneurs imitèrent cet exemple. Plusieurs abbayes furent par la suite des temps érigées eu évêchés, par exemple celles de Pamiers, Condom, Luçon, Aleth, Vabres, Tulle, Castres, La Rochelle, etc. Avant la révolution de 1789 la France possédait un grand nombre de ces institutions conventuelles. Plusieurs villes n’ont d’autre origine que celle de ces grandes communautés, autour desquelles s’aggloméraient peu à peu les populations, sûres d’y trouver, outre des secours spirituels, la sécurité et le repos qu’il était si difficile de rencontrer ailleurs dans les siècles du moyen âge. Les offices se célébraient dans les abbayes avec autant d’édification que de pompe, et les fidèles y étaient admis. Le clergé séculier trouvait dans les religieux des abbayes d’utiles et dignes auxiliaires pour la confession, la prédication, le soin des malades, le soulagement des pauvres et l’instruction des enfants. Sans doute à côté du bien se glissèrent aussi d’étranges abus. Le père de Hugues Capet n’était riche que par les abbayes qu’il possédait : ce qui le faisait appeler Hugues l’abbé. On donna quelquefois des abbayes aux reines pour leurs menus plaisirs. Ogine, mère de Louis d’Outremer, quitta son fils parce qu’il lui avait ôté l’abbaye de Sainte-Marie de Laon pour la donner à sa femme Gerberge. Balzac parle d’un amiral de Joyeuse qui donna une abbaye pour un sonnet. En 1575 on proposa dans le conseil de Henri III, roi de France, de faire ériger en commendes séculières toutes les abbayes de moines, et de donner ces commendes aux officiers de la cour et de l’armée de ce monarque. Sous Louis XIV la princesse de Conti avait possédé l’abbaye de Saint-Denis. Avant le règne de ce monarque il était commun de voir des séculiers posséder des bénéfices ; le duc de Sully, huguenot, avait une abbaye. Les abbayes étaient presque toujours de grands centres d’instruction religieuse et de bienfaisance. Elles furent longtemps les seuls dépôts de la science ; et dans leurs pieuses solitudes il y avait toujours un asile pour l’infortune et un refuge pour le repentir. On sait de quelle manière généreuse elles exerçaient l’hospitalité envers les étrangers, et l’on a retenu ces vers de Berchoux :

J’ai souvent regretté les asiles pieux
Où vivaient noblement ces bons religieux,
Qui depuis, affranchis de leurs règles austères,
Se sont vus dépouillés par des lois trop sévères…
Je vous aimais surtout, enfants de Saint-Benoît,
De Cluny, de Saint-Maur, heureux propriétaires…
Je sais qu’on a prouvé que vous aviez grand tort.
Que ne prouve-t-on pas quand on est le plus fort ?
Retraite du repos, des vertus solitaires,
Cloîtres majestueux, fortunés monastères,
Je vous ai vus tomber, le cœur gros de soupirs,
Mais je vous ai gardé d’éternels souvenirs.

« L’imagination, dit Chateaubriand, s’est représenté les possessions d’un monastère comme une chose sans aucun rapport avec ce qui existait auparavant : erreur capitale. Une abbaye n’était autre chose que la demeure d’un riche patricien romain, avec les diverses classes d’esclaves et d’ouvriers attachés au service de la propriété et du propriétaire, avec les villes et les villages de leur dépendance. Le père abbé était le maître ; les moines, comme les affranchis de ce maître, cultivaient les sciences, les lettres et les arts. Les yeux même n’étaient frappés d’aucune différence dans l’extérieur de l’abbaye et de ses habitants ; un monastère était une maison romaine pour l’architecture : le portique ou le cloître au milieu, avec les petites chambres au pourtour du cloître… L’abbaye, pour le répéter, n’était donc qu’une maison romaine ; mais cette maison devint bien de mainmorte par la loi ecclésiastique, et acquit par la loi féodale une sorte de souveraineté : elle eut sa justice, ses chevaliers et ses soldats ; petit état complet dans toutes ses parties, et en même temps ferme expérimentale, manufacture (on y faisait de la toile et des draps) et école. »

L’Almanach royal de 1787 donne la liste des abbayes en commende, c’est-à-dire données non à de véritables moines ou religieux, ayant fait les vœux et portant l’habit d’un ordre, mais à des séculiers tonsurés. On en compte 649. Les moindres sont d’un revenu de 2,000 livres, et c’est le plus petit nombre. La moyenne proportionnelle est de 16,000 livres de rente. Le revenu de quelques-unes s’élève au chiffre de 50, 80 et même 100,000 livres de rente. C’est là ce qu’autrefois on appelait un bénéfice. Ces abbayes se donnaient aux cadets des familles nobles.