Abbé

  • Encyclopédie de famille

Abbé, d’un mot hébreu qui signifie père. Dans l’origine un abbé était le supérieur d’un monastère de religieux érigé en abbaye, soit qu’il fut le fondateur de ce monastère, soit qu’il eût été élu chef de la communauté par les moines qui la composaient. Les actes des conciles et les capitulaires de Charlemagne avaient voulu que tout abbé dépendît de son évêque ; mais avec le temps bon nombre d’abbés réussirent à secouer le joug de l’ordinaire. Quelques-uns ne tardèrent même pas à vouloir marcher les égaux de ceux qui naguère étaient leurs supérieurs, et ils se parèrent des différents insignes de l’épiscopat. C’est de la sorte que certains abbés portaient la mître et d’autres la crosse, et que tous se firent concéder le droit de conférer la tonsure et les ordres mineurs. Au cinquième siècle, en France et en Italie, les rois et les grands, tentés par les richesses des abbayes, s’emparèrent de ces établissements pieux, et s’en déclarèrent abbés, afin de jouir de leurs revenus. Malgré les efforts de Dagobert, de Pépin et de Charlemagne, l’abus se perpétua jusque sous les rois de la troisième race. Charles Martel surtout fit de nombreuses distributions d’abbayes à ses capitaines et à ses courtisans. Des femmes même furent déclarées titulaires d’abbayes d’hommes, et on vit des couvents donnés en dot, affectés en apanage, en douaire. Hugues Capet était abbé de Saint-Denis et de Saint-Martin de Tours. Les rois Philippe Ier et Louis VI, et ensuite les ducs d’Orléans, sont appelés abbés du monastère de Saint-Agnan d’Orléans. Les ducs d’Aquitaine prenaient le titre d’abbés de Saint-Hilaire, de Poitiers, les comtes d’Anjou celui d’abbés de Saint-Aubin, et les comtes de Vermandois celui d’abbés de Saint-Quentin. Avec le temps cependant les moines secouèrent le joug de ces protecteurs peu désintéressés, soit en rendant des services aux princes, soit en rachetant leurs abbayes ; et plus tard, par le concordat conclu entre Léon X et François Ier, le droit de nommer aux abbayes vacantes fut dévolu au roi. Il y eut cependant quelques exceptions faites en faveur des moines de Cîteaux, des Chartreux et des Prémontrés.

Aujourd’hui le titre d’abbé n’a plus en France le sens qu’on lui donnait autrefois : ce n’est plus qu’une appellation honorifique commune à tous ceux qui sont engagés dans les ordres, de même qu’en Italie le titre d’abbate se donne à toutes les personnes tonsurées.

Avant la révolution de 1789 la ville et la cour pullulaient d’abbés qui n’avaient guère d’ecclésiastique que l’extérieur. On les rencontrait partout, au bal, à la comédie : un petit chapeau à corne, un habit noir, brun ou violet, les cheveux coupés en rond, tel était leur costume. C’étaient le plus souvent des cadets de familles nobles et pauvres, quelquefois aussi de riches roturiers, aspirant les uns et les autres à devenir abbés commendataires.