Alexandre le Grand

  • Encyclopédie de famille

Alexandre le Grand, fils de Philippe, roi de Macédoine et d’Olympias, naquit l’an 356 avant J.-C. La nuit de sa naissance fut marquée par l’incendie du fameux temple de Diane à Éphèse. Alexandre annonça dès son jeune âge les dispositions les plus heureuses. À douze ans il fut confié aux soins d’Aristote, après être resté quelque temps entre les mains de Lysimaque, homme savant, mais flatteur et corrompu. Aristote se retira avec lui dans la solitude de Mieja, sur les bords du Strimon. Il composa pour son élève un traité sur l’Art de régner ; ce traité a été perdu. Il ayait annoté pour lui l’Iliade ; et l’on sait l’admiration profonde d’Alexandre pour Homère, dont le poème, enfermé dans une cassette d’or, le suivait dans toutes ses expéditions. Il acquit une somme de connaissances assez rare à cette époque. Au milieu de tous ces travaux intellectuels, l’éducation physique n’était pas négligée. Alexandre n’avait pat été moins favorisé pour la force du corps que pour la grandeur de l’intelligence. Hardi, adroit, souple, courageux, il courait aux choses extraordinaires, recherchait les actions impossibles : à peine sorti de l’enfance, il dompta un cheval fougueux qui avait effrayé et rebuté les plus habiles écuyers de la cour. Ce cheval, appelé Bucéphale, devint depuis sa monture favorite. En même temps qu’il commençait à avoir le sentiment de sa puissance et de sa force, la fierté et l’orgueil s’éveillaient en lui. Les historiens ont cité différents traits qui peuvent servir à l’étude de son caractère, On sait avec quelle grandeur, quel esprit et quelle noble fierté il reçut les envoyés du grand roi Darius, souverain des Perses. On se rappelle sa réponse aux courtisans qui l’engageaient à disputer la palme aux jeux Olympiques : « J’irai, dit-il, s’il y a des concurrents digues de moi : qu’on trouve un autre Alexandre, fils de Philippe ! » Il pleurait en apprenant les victoires multipliées de Philippe : « Mon père ne me laissera donc rien à faire ! » s’écriait-il ; et pour tromper son impatience et son courage, il allait à la chasse, combattant les lions, contre lesquels il s’acharnait.

Alexandre atteignit ainsi l’âge de seize ans. Ce fut à cette époque, l’an 340 avant J.-C. ; que Philippe partit pour la conquête de la Thrace. Il chargea son fils de la conduite du royaume pendant la durée de sou absence, sûr déjà de son habileté et de son courage. Cette confiance ne fut pas trompée : les Médares, peuple tributaire de la Macédoine, ayant essayé de profiter de l’absence de Philippe pour se révolter, Alexandre les battit complètement, et, entraîné par son désir de victoires, il eût tenté d’autres conquêtes si son père, craignant les dangers de son impétuosité, ne l’eût appelé à Byzance, où il venait de réunir ses troupes. Quelque temps après, à la bataille de Chéronée, où il commandait sous les ordres de Philippe, Alexandre tailla en pièces le célèbre bataillon sacré des Thébains. Après s’être signalé comme soldat, Alexandre fut envoyé en ambassade à Athènes, où il se distingua par une prudence et une modération peu ordinaires à une si extrême jeunesse et à un si grand courage. Philippe, cédant à un élan de tendresse et d’admiration, lui dit, les larmes aux yeux : « Cherche un autre royaume, mon fils, le mien n’est pas assez grand pour toi ! » Jusqu’alors le père et le fils étaient restés complètement unis : Alexandre aimait tendrement Philippe ; mais sa plus grande part d’affection était pour sa mère Olympias, qu’il avait en profonde vénération. Aussi, lorsque Philippe voulut la répudier, Alexandre le quitta, et suivit sa mère à la cour d’Alexandre Molosse, roi d’Épire et frère d’Olympias. Il se préparait à venir réclamer à main armée les droits de celle-ci contre son père, lorsque la réconciliation s’opéra : Olympias et Alexandre revinrent en Macédoine pour le mariage du roi d’Épire avec Cléopâtre, fille de Philippe. C est au milieu des fêtes de ce mariage que Philippe fut assassiné, l’an 337 avant J.-C.

Philippe était mort en préparant le projet d’une expédition contre les Perses. Alexandre résolut de mettre à exécution le projet de son père. Avant de quitter ses États pour tenter cette immense conquête, le jeune roi voulut dégager ses frontières des ennemis qui les menaçaient. Il vainquit les Thraces ; puis, leur offrant une paix honorable, il enrôla sous ses drapeaux leurs meilleurs soldats et leurs plus braves capitaines. Il défit également les Triballes et les Gètes, toujours en état d’agression contre sa puissance. Tranquillisé désormais de ce côte, il se fit reconnaître pour chef par les députés de la Grèce, réunis pour cette élection dans l’isthme de Corinthe. Il se mit alors à la tête de son armée, traversa rapidement les pays jusqu’au Danube, qu’il franchit, et força Clitus, roi d’Illyrie, d’abandonner son royaume au vainqueur. Pendant ce temps, le bruit s’étant répandu dans la Grèce qu’Alexandre avait péri dans la bataille, les Athéniens, les Thébains et d’autres peuples grecs, enhardis par les discours de Démosthène et de Lycurgue, se levèrent contre la Macédoine, et quelques officiers macédoniens furent égorgés dans Thèbes la nuit même où l’on apprit cette fausse nouvelle. Instruit de cette trahison, Alexandre traversa la Macédoine, une partie de la Thessalie, franchit les Thermopyles et vint assiéger Thèbes, qu’il prit d’assaut et qu’il saccagea : toute la ville fut rasée, à l’exception des temples et de la maison où était né Pindare. Ayant ainsi prouvé sa force, Alexandre voulut montrer sa clémence : il pardonna aux Athéniens, et assura de la sorte, par la crainte et par la reconnaissance, sa domination sur toute la Grèce. Il se prépara ensuite à la conquête de l’Asie : ses immenses préparatifs furent achevés en un hiver. Le printemps suivant, l’an 334 avant J.-C., il traversa l’Hellespont avec une armée de 32,000 hommes de pied et de 5,000 chevaux, des vivres pour un mois et 70 talents dans sa caisse. Il avait laissé à Antipater l’administration de sou royaume. En quittant la Grèce, il s’était fait dire par la prêtresse d’Apollon que rien ne pouvait lui résister ; à Gordium, il confirma l’oracle en tranchant le nœud gordien, à la solution duquel on attachait l’empire de l’Asie. Son premier acte en arrivant en Asie fut d’implorer les dieux et de célébrer des sacrifices en l’honneur d’Achille, son héros favori. Il s’avança alors vers le Granique, qu’il traversa, et où il paya de sa personne comme le plus obscur et le plus valeureux soldat. Il marcha ensuite a la conquête de l’Asie Mineure, forçant toutes les villes à lui ouvrir leurs portes. Il parcourut ainsi une partie de ce pays comme un triomphateur, jusqu’à Tarse, capitale de la Cilicie, où il tomba malade pour s’être baigné, couvert de sueur, dans les eaux froides du Cydnus. On connaît le courage qu’il déploya en cette occasion : comme Darius s’avançait avec des forces immenses pour lui fermer les issues du Taurus, Alexandre avait besoin d’une prompte guérison ; son médecin Philippe lui arrangea un breuvage qui devait avoir, selon lui, un effet immédiat ; au moment où Alexandre allait prendre ce breuvage, on lui apporta une lettre de Parménion qui accusait Philippe de vouloir empoisonner le roi ; celui-ci montra la lettre à son médecin, et pendant qu’il la lisait avala le breuvage salutaire. Cette confiance amena une prompte convalescence, et à peine rétabli Alexandre s’avança contre Darius. Celui-ci, avec une armée beaucoup plus forte que celle des Macédoniens, était campé près d’issus, non loin de la mer. Après un court combat, cette belle armée fut entièrement détruite ; Darius, obligé de s’enfuir, abandonna ses trésors et ses bagages aux vainqueurs, laissant au pouvoir d’Alexandre sa mère, sa femme et ses enfants. Le roi de Macédoine respecta ces nobles victimes, et ordonna qu’elles fussent entourées d’hommages et de soins, générosité rare alors. Il laissa fuir Darius sans l’inquiéter, ne songeant qu’à établir sa puissance sur tout le littoral de la Méditerranée ; il y réussit facilement. La ville de Tyr, seule, fit plus longue résistance, voulant garder la fidélité qu’elle avait jurée au roi des Perses. Elle finit pourtant par tomber au pouvoir d’Alexandre, qui la détruisit, ainsi que Gaza, ville qui avait voulu imiter Tyr dans sa résistance. Le vainqueur fit, dit-on, attacher à son char Bétis, gouverneur de Gaza, et le fit ainsi traîner autour des murs, la tête sur le sol, disant qu’il voulait imiter Achille.

L’historien Josèphe place vers ce temps l’expédition d’Alexandre contre Jérusalem. On sait comment le grand prêtre Gaddus le fit se retirer des murs de la ville sainte en lui expliquant les prophéties de Daniel. Il tourna ses vues vers l’Égypte, qui était disposée à voir en lui un libérateur plutôt qu’un conquérant : elle se mit volontiers sous le joug de la Grèce pour secouer celui de la Perse, qui lui était odieux. Ce fut alors qu’Alexandre fonda cette ville à laquelle il donna son nom, et qui dès son origine devint une des premières places du monde : Alexandrie. Ces choses faites, il voulut, pour aller consulter l’oracle d’Ammon, traverser les déserts de Libye. Dans toutes ses conquêtes « Alexandre respecta, dit Montesquieu, les traditions anciennes et tous les monuments de la gloire et de la vanité des peuples. Les rois de Perse avaient détruit les temples des Grecs, des Babyloniens et des Égyptiens : il les rétablit. Peu de nations se soumirent à lui sur les autels desquelles il ne fit des sacrifices ; il semblait qu’il n’eût conquis que pour être le monarque particulier de chaque nation et le premier citoyen de chaque ville. »

Pendant son séjour en Égypte les recrues macédoniennes avaient eu le temps de se former en armée et de venir le rejoindre. Il résolut alors de combattre Darius au cœur même de ses États. Celui-ci, effrayé, malgré les forces énormes dont il disposait, fit demander la paix, offrant à Alexandre la main de sa fille, 10,000 talents de rançon pour les autres princesses, et la cession de toutes les provinces d’Asie depuis l’Euphrate jusqu’à l’Hellespont. Alexandre ayant communiqué ces conditions aux principaux officiers de son armée : « J’accepterais, dit Parménion, si j’étais Alexandre. — Et moi, dit Alexandre, si j’étais Parménion. » Darius, irrité du refus d’Alexandre, rassembla toutes ses forces : son armée comptait un million de combattants et 3,000 chariots armés de faux ; elle couvrait les plaines d’Arbelles. Le matin qui précéda la bataille, on trouva Alexandre profondément endormi : il fallut l’éveiller ; les préparatifs du combat commencèrent. Six heures après, la victoire des Macédoniens était complète, Darius fuyait, et Alexandre se trouvait maître absolu de l’empire des Perses. Pendant que le roi vaincu se cachait dans les montagnes de la Médie, Alexandre prenait possession de Persépolis, de Suze, de Babylone et de leurs immenses richesses. Il renvoya aux Athéniens les bustes d’Harmodius et d’Aristogiton qu’avait emportés Xerxès à Persépolis. Cet acte d’habile politique valut à Alexandre l’amitié des Athéniens, et plus tard leur neutralité lorsque le roi Agis insurgea Sparte contre lui. Alexandre, parvenu au comble d’une puissance inconnue jusqu’alors, perdit la dignité de mœurs qu’il avait montrée dans sa jeunesse. Il s’abandonna aux joies de l’orgie : s’il faut en croire les historiens grecs, on le vit incendier des palais pour satisfaire un caprice ; mais ces oublis de lui-même ne duraient pas longtemps ; les fautes qu’il commettait dans ces moments d’ivresse lui causaient des repentirs sincères : les actes brutaux auxquels il s’abandonnait lui faisaient bientôt horreur.

Darius fuyait vers le nord de l’empire ; Alexandre se mit à sa poursuite, et l’atteignit près des frontières de la Bactriane. Darius venait d’être assassiné par un de ses satrapes, Alexandre punit de mort l’assassin, et fit rendre au malheureux prince les plus grands honneurs mortuaires en usage chez les Perses. Il soumit ensuite la Parthiène, la Sogdiane et l’Hyrcanie. Voulant toujours marcher en avant, et n’assignant pas de bornes à son ambition, Alexandre franchit l’Indus, l’an 327 avant J.-C. Il s’assura, en arrivant, l’alliance de Taxile, un des rois les plus puissants de ces contrées ; il s’avança ensuite jusqu’au Gange, où l’attendait Porus, roi indien, habile, courageux, persévérant, qui avait réuni toutes ses troupes pour combattre le vainqueur : le combat tut long et plus terrible que tous ceux livrés contre les Perses. Cependant Porus fut vaincu et fait prisonnier. Alexandre, touché de son courage et de ses vertus, lui demanda comment il voulait être traité : « En roi ! » répondit Porus ; et il s’abandonna à la magnanimité d’Alexandre, dont il devint bientôt l’ami.

Après quelques autres conquêtes, les Macédoniens refusèrent de suivre leur roi plus avant. Ils voyaient avec regret qu’Alexandre traitait les nations soumises non en peuples vaincus, mais en alliés. Il voulait, en effet, s’attacher tous les peuples sans les opprimer. Son projet était de fondre en un seul peuple les vainqueurs et les vaincus. Il ne faisait plus de distinction entre les Perses et les Macédoniens ; ceux-ci furent blessés de cette sage politique, dont ils ne comprenaient pas le but. Alexandre se vit obligé de réprimer des complots et de punir plusieurs de ses généraux, entre autres Clitus, Philotas, Parménion, etc. Abandonné de son armée s’il voulait encore marcher en avant, Alexandre se vit forcé de reculer jusqu’à l’Hydaspe, où il divisa ses troupes en deux parties ; il confia l’une à Néarque, pour aller tenter d’établir une communication entre l’indus, l’Euphrate et le Tigre ; se mettant, à la tête de l’antre, il se dirigea vers Babylçne, à travers les déserts de la Gédrosie. Il ne voulait rien commencer avant la jonction de l’anpée de Néarque à la sienne. Ce fut pendant cet intervalle que mourut son ami Éphestion : il en ressentit une telle douleur, qu’il oublia un moment son grand rêve d unité et ses gigantesques projets ; il fit tuer, dit-on, le médecin qui n’avait pas pu sauver son ami. Sur ces entrefaites, Néarque arriva à l’embouchure de l’Euphrâte. A cette nouvelle, l’énergie revint à Alexandre ; il fit les préparatifs d’un immense plan de campagne : « Comme il allait reconnaître le golfe Persique, dit Montesquieu, comme il avait reconnu la mer des Indes, comme il fit construire un port à Babylone pour mille vaisseaux et des arsenaux, comme il envoya 500 talents en Phénicie et en Syrie pour en faire venir des nautoniers qu’il voulait placer dans les colonies qu’il répandait sur les côtes ; comme enfin il fit des travaux immenses sur l’Euphrate et les autres fleuves de la Syrie, on ne peut douter que son dessein ne fût de faire le commerce des Indes par Babylone et le golfe Persique. » La mort vint réduire à néant ces merveilleux projets : Alexandre succomba à Babylone, aux accès d’une fièvre violente, l’an 324 avant J.-C. L’opinion la plus générale est qu’il fut empoisonné par Antipater ; quelques-uns disent qu’il mourut des excès de débauche et de travail : les veilles trop répétées et la tension incessante des organes du cerveau furent, selon ces derniers, la seule cause de sa mort. En treize ans de règne Alexandre avait élevé un empire plus vaste que ne le fut jamais celui des Romains du temps de leur plus grande puissance, après dix siècles de combats. À sa mort l’empire d’Alexandre comprenait : en Europe, la Grèce, la Macédoine, une partie de la Thrace ; en Asie, l’Asie Mineure (à l’exception de quelques provinces), la Syrie, la Phénicie, la Palestine, tous les États du Tigre et de l’Euphrate, la Médie, la Perse, le littoral de l’Océan jusqu’à l’Indus, et dans le nord la Bactriane et la Sogdiane ; en Afrique, l’Égypte jusqu’aux cataractes au-dessus de Syène, et les côtes de la Méditerranée jusqu’au pays de Cyrène. Ce vaste empire ne devait pas lui survivre. Sentant la mort s’approcher, et sans héritier capable de lui succéder, il laissa le pouvoir au plus digne ; mais il eut à peine fermé les yeux, que ses lieutenants se livrèrent des luttes sanglantes, et l’immense monarchie née de son génie périt aussitôt dans les convulsions d’un démembrement.

Olympias, mère d’Alexandre, survécut à ce prince, ainsi que son épouse Statire, fille de Darius.