Afghanistan

  • Géographie
  • Eyriès, Amédée Tardieu, Léon Vaïsse.
  • Encyclopédie moderne

Afghanistan. Ce pays de l’Asie forme un grand État dont les bornes ne peuvent se déterminer avec exactitude, parce que, parmi les provinces qui en font partie, quelques-unes ne reconnaissent que faiblement l’autorité du souverain. Considéré dans son plus vaste développement, l’Afghanistan s’étend de 57° à 70° de longitude est, et de 24° à 37° de latitude nord. Il est borné au nord par des montagnes qui le séparent de la Boukharie et du Tibet, à l’est par le pays des Seykhs et l’Hindoustan, au sud par la mer d’Arabie, à l’ouest par des déserts et la Perse. Sa longueur est à peu près de 320 lieues, sa largeur de 260, et sa surface de 83,000 lieues carrées. Elle offre généralement des montagnes considérables et dont quelques-unes s’élèvent à une grande hauteur ; au sud-est et au sud-ouest on voit quelques plaines étendues. L’Hindoukouh, branche des monts Himalaya, et le Paropamise, qui couvrent les parties septentrionales de l’Afghanistan, le Kouhi-Soliman dans l’est, ont leurs cimes constamment couvertes de neige ; entre ces colosses et leurs ramifications, qui s’abaissent vers le sud et le sud-ouest, s’étendent des vallées qui se prolongent dans les mêmes directions, et qui s’ouvrent beaucoup de ce dernier côté. On rencontre dans l’ouest des plaines immenses qui se terminent à des déserts.

Au fond de ces vallées coulent un nombre infini de torrents et de rivières ; les plus considérables sont le Caboul, qui se dirige à l’est vers le Sindh, et l’Hilmend ou Etimander, dont le cours à l’ouest vers la Perse se termine dans un lac sur les confins d’un désert. L’Oxus des anciens, ou Amou-Déria, traverse le nord de l’Afghanistan ; le Sindh borne ce pays à l’est. On dérive de tous ces courants d’eau des canaux d’irrigation. Le Loukh dans l’ouest, qui reçoit l’Hilmend, est le lac le plus étendu. Au centre du pays on remarque l’Abistandeh, qui est un lac salé.

Le climat est tempéré dans le pays haut, et même âpre et froid dans les montagnes. On ressent une grande chaleur dans les plaines ; elle est étouffante dans quelques vallées et dans les lieux sablonneux. Les vents de l’ouest sont dominants ; les habitants ont observé qu’ils sont chauds, et ceux de l’est froids ; ils disent aussi que ceux-ci apportent des nuages, et que les premiers répandent l’humidité sur la terre. Le vent du nord commence vers le milieu de l’été, et se fait sentir avec force pendant près de quatre mois. On remarque dans la marche des vents une certaine analogie avec les moussons de la mer des Indes. Le seïmoum, ce vent pestilentiel, redouté avec tant de raison des voyageurs, passe quelquefois sur les parties chaudes de cette contrée ; heureusement il ne dure pas longtemps. Du reste, on peut dire que l’Afghanistan est un pays sec, et peu sujet à la pluie, aux nuages ou aux brouillards. La différence de température entre le jour et la nuit est généralement très grande ; cependant le climat est sain, autant qu’on en peut juger par la taille, la force et l’activité des habitants.

Les animaux sauvages ne doivent pas être rares dans un pays si montagneux ; les léopards, les loups, les hyènes, les chacals, les renards, les ours, multiplient facilement au milieu des forêts dont les hauteurs sont couvertes : on dit même qu’on y a vu des lions et des tigres, ce qui ne paraît cependant pas très certain. Des sangliers, des ânes sauvages, diverses espèces de cerfs, fréquentent aussi la contrée haute et boisée ; les antilopes ne se montrent que dans les plaines. Enfin on trouve, dans les vallées, des hérissons, des porcs-épics, des mangoustes, des furets, des chiens sauvages, et même des singes.

Quelques races de chevaux sont fort belles ; les ânes sont grands et robustes ; on élève beaucoup de mulets ; on se sert de ces deux animaux pour le transport des bagages, moins cependant que des chameaux et des dromadaires. On attelle les bœufs à la charrue ; ils ont une bosse sur le dos ; on les fait venir de l’Hindoustan. On rencontre quelques buffles dans les cantons qui abondent en pâturages humides.

Les moutons font la richesse principale des tribus qui mènent la vie pastorale ; on en voit beaucoup de la variété dont la queue n’est qu’un large morceau de graisse. Les chèvres sont communes dans tout le pays ; quelques races ont les cornes fort longues et singulièrement contournées. Les chiens de l’Afghanistan sont très beaux ; les tribus pastorales prennent grand soin d’en améliorer les races. On voit beaucoup de chats à long poil, dont on exporte une quantité considérable dans les pays voisins.

Des aigles, des faucons, et d’autres oiseaux de proie, nichent dans les montagnes dont le pays est hérissé. Les oiseaux aquatiques et ceux des marais, et une infinité d’autres espèces, tels quelles pigeons, des tourterelles, les moineaux, sont très communs. Il y a même des perroquets dans les provinces orientales.

Les serpents ne sont ni nombreux ni dangereux ; les scorpions sont plus effrayants que nuisibles. Les rivières ne sont pas très poissonneuses ; on trouve assez fréquemment des tortues.

Quelquefois les ravages causés par des nuées de sauterelles ont occasionné des famines dans certaines provinces. Les bois renferment beaucoup d’abeilles.

On rencontre dans l’Afghanistan plusieurs espèces des grands végétaux d’Europe ; la plupart de nos arbres fruitiers y croissent à l’état sauvage ; les habitants les cultivent dans leurs jardins. Les montagnes sont ombragées par des pins, notamment par le pin pignon ; des chênes, entre autres le chêne à glands doux ; des cyprès gigantesques, des noyers, des bouleaux, des érables. Dans les plaines croissent le mûrier, le tamarisc, plusieurs saules, entre lesquels on distingue le saule pleureur.

La quantité d’arbrisseaux et de fleurs que la nature a départie à ce pays est prodigieuse ; ils embellissent les jardins, les collines, les plaines et le bord des rivières.

On ramasse de l’or dans les ruisseaux qui coulent des flancs de l’Hindoukouh. Le lapis-lazuli compose des rochers entiers dans les montagnes du nord ; l’Afghanistan a des mines de fer, de plomb, d’antimoine : on extrait l’alun de l’argile, dans plusieurs cantons, et l’on ramasse le sel qui se forme à diverses sources salées.

Les provinces de l’Afghanistan, sont, à l’ouest, le Korassan, dont une partie est à la Perse ; le Sedjistan, le Garjestan et le Dahestan : au nord, le Cabaulistan, Ghizni et Pechaouer ; au sud-ouest, Candahar ; au sud, le Mekran, le Beloutchistan et ses dépendances. Ces derniers pays se sont rendus indépendants. Le Cachemyr a été enlevé aux Afghans par les Seykhs.

La population de l’Afghanistan est évaluée à 10,200,000 habitants ; savoir, 4,300,000 Afghans, 1,400,000 Beloutchi, 1,200,000 Tatars, 1,500,000 Tadjik et Parsis, 500,000 Hindous, 300,000 Arabes et autres.

Les Afghans ou Agouans.ont reçu ce nom des Persans ; ils se donnent à eux-mêmes celui de Pouchtou, et au pluriel Pouchtaneh, que les Berdourani, leur tribu la plus orientale, prononcent Pekhtaneh ; ce qui a donné lieu à la dénomination de Petan ou Patan, sous laquelle les Afghans se sont fait connaître et redouter dans l’Hindoustan. Les Arabes les nomment Solimani, soit parce qu’ils habitent plus particulièrement la chaîne du Soliman-Kouh, soit d’après le chef qui régnait sur eux à l’époque à laquelle les Arabes les connurent.

La patrie primitive des Afghans est dans la branche méridionale du Paropamise ou Hindoukouh : c’est de là qu’ils se sont répandus vers l’est jusqu’au Pendjab ; vers l’ouest jusque dans la Perse orientale. Mais de même que toutes les peuplades grossières qui n’avaient pas encore une écriture particulière à l’époque où elles embrassèrent l’islamisme, et qui plus tard adoptèrent les caractères arabes, les Afghans ont perdu la véritable tradition de leur origine. Ils en ont plus tard fabriqué une puisée dans les Écritures hébraïques et dans le Koran ; et, mêlant ensemble ces documents, ils se sont donnés comme les descendants des dix tribus d’Israël restées en captivité. L’illustre William Jones, homme très instruit, mais absolument dépourvu de critique, ne manqua pas de saisir avidement cette fable, la trouva vraisemblable, et la répandit dans le monde, parce qu’il ajouta faussement à son assertion que, dans un dictionnaire afghan, il avait trouvé une ressemblance manifeste entre cette langue et le chaldéen. Toutefois il s’est bien gardé de citer la moindre preuve de cette analogie ; ce qui n’a pas empêché de faire regarder et proclamer par toute l’Europe les Afghans comme issus des Juifs.