Amérique

  • Encyclopédie de famille

Amérique. Le continent de l’hémisphère occidental, le Nouveau Monde, l’Occident de notre globe terrestre, en opposition tranchée avec l’Orient, l’ancien monde, fractionné en trois parties, est baigné à l’ouest par le Grand-Océan ou mer Pacifique, à l’est par l’océan Atlantique, et au nord par les eaux de la mer Polaire arctique. Par la presqu’île de Tchouktchen, qui s’avance dans le détroit de Behring, il se rapproche au nord-ouest du continent asiatique, dont le sépare alors une distance d’environ 100 kilomètres seulement, et au nord-est, par le Groenland, de l’île d’Islande, dépendance de l’Europe, dont il n’ést guère éloigné que de 80 myriamètres. Au cap Saint-Charles, il n’est qu’à 400 myriamètres de la pointe sud-ouest de l’Angleterre. Au sud-est, une distance de 400 myriamètres le sépare sans discontinuer des parties les plus occidentales de l’Afrique tandis qu’il est encore six et même huit fois plus éloigné des côtes sud-est de l’Asie et de la Nouvelle-Hollande.

L’océan Atlantique, par la force dissolvante de ses courants, a creusé au milieu de la côte orientale de l’Amérique les profondes baies du golfe du Mexique et de celui des Caraïbes ; d’où il est résulté que ce continent s’est trouvé divisé en deux parties, affectant l’une et l’autre la figure triangulaire, nommées l’une Amérique du Nord, l’autre Amérique du Sud, et réunies seulement à l’ouest par l’espèce de digue qu’y forme l’isthme de Panama, tandis qu’à l’est les îles des Antilles, appelées aussi Indes occidentales, semblent être autant d’assises d’un pont qui aurait mis autrefois en communication entre elles les deux grandes masses du continent.

On peut évaluer la population totale de l’Amérique à 50 millions d’âmes. C’est à peu près un dix-huitième de la population totale de la terre, tandis que sa superficie représente le dixième de la superficie du globe. Comme diversités de races, ces 50 millions d’habitants se subdivisent en 20 millions de Caucasiens, 8 millions de nègres, 13 millions et demi d’Américains, et 9 millions et demi de métis ; enfin, sous le rapport religieux, en 44 millions de chrétiens et 5 1/2 millions d’idolâtres. L’histoire de la population aborigène de l’Amérique est enveloppée d’obscurité. Les investigations de la science moderne ne projettent que bien peu de lumières sur l’époque qui précéda la domination des Européens. Les seules irruptions dont fasse mention l’histoire y furent le fait de peuples civilisateurs, qui s’avancèrent du nord au sud en suivant le plateau des Andes. La civilisation aborigène partit à la fois de trois points centraux. Lés hautes plaines du Pérou, de Cundinamarca et du Mexique formèrent autant de foyers pour la civilisation du continent. Les Péruviens, sous les Incas, fils du Soleil, leurs souverains et en même temps leurs grands prêtres, se laissèrent enchaîner par la douce religion de Manco Capac, et constituèrent une nation paisible mais sans énergie. Les Toltèques et les Aztèques du plateau d’Anahuac furent gouvernés plus politiquement et plus militairement par les Caciques ; tandis qu’au centre, entre le Pérou et le Mexique, les Muyscas obéissaient, dans Cundinamarca, à un chef spirituel et à un chef temporel. Tous, depuis le lac de Titicaca jusqu’à Mexico, se livraient à la pratique de l’architecture, des métiers et des arts ; ils ont laissé des traces d’une civilisation à eux propre, mais ils demeurèrent toujours étrangers aux soins qu’exige l’élève des troupeaux. Dans l’isthme de Panama, des peuplades sauvages et guerrières interrompent le théâtre d’activité des nations civilisées, tandis que dans les zones tempérées des Andes, au nord et au sud, on trouve des nations servant de point de transition entre une civilisation, déjà avancée et les hordes sauvages des vallées. Au sud, c’est le peuple guerrier et hospitalier, agriculteur et pasteur des Araucans, lesquels habitaient les vallées alpestres du Chili ; au nord, dans les plaines élevées de l’Orégon, ce sont des populations à moitié mongoles, comme les Wakash à Vancouver, ne vivant que des produits de leur chasse et de leur pêche, mais qui avaient déjà, avec un gouvernement régulier, une langue assez bien formée, qui savaient travailler le fer et le cuivre, et qui présentent de nombreux monuments d’une civilisation particulière. La race silencieuse, froide, triste, insensible des Indiens habite les vallées et les plateaux peu élevés ; sauvages aborigènes, qui parcourent ces vastes solitudes en se livrant à la chasse et à la pêche, ayant bien quelque idée de Dieu et de l’immortalité de l’âme, mais étouffant les inspirations de l’adoration pure sous les pratiques les plus diverses de l’idolâtrie et dont les sens extérieurs sont arrivés à un degré de finesse presque incroyable, parce que leur existence ne se compose guère que d’une succession d’occupations corporelles,

Depuis la conquête, l’Amérique a complétement changé de physionomie sous le rapport ethnographique. Les Européens l’envahirent, soit comme conquérants, soit comme colons, et des nègres y arrivèrent comme esclaves. Les Espagnols et les Portugais s’emparèrent de l’Amérique du Sud et du Mexique, les Français et les Anglais de l’Amérique du Nord, encore bien que les premiers n’aient pas tardé à se voir obligés de céder la place aux seconds. Les Russes se sont fixes à l’extrémité nordouest. Les Antilles sont devenues un sol commun pour six nations européennes et pour un peuple nègre, et la Guyane un pays de colonies pour la France, l’Angleterre et la Hollande. C’est dans la péninsule Ibérique et, la Grande-Bretagne que surgit l’idée de faire de l’Amérique une nouvelle Europe, de la conquérir, de la civiliser et de la convertir au christianisme. Les Espagnols conquirent et occupèrent les hauts plateaux des Andes, ainsi que les parties déjà civilisées de l’Amérique ; comme ils ne pouvaient ni expulser ni anéantir la population qu’ils y trouvaient, ils s’établirent au milieu d’elle, et firent des habitants aborigènes leurs travailleurs et leurs sujets. Les Portugais au sud et les Anglais au nord colonisèrent les côtes, refoulèrent les indigènes dans l’intérieur des terres des nouveaux États, plus empreints au sud d’éléments américains et beaucoup moins au nord, mais dans lesquels on suivit deux voies de développement essentiellement opposées. Les uns s’étaient fixés dans un pays dont le climat et le sol étaient semblables à ceux de leur patrie ; les autres avaient fait choix des régions équinoxiales, régions auxquelles ils n’étaient pas habitués, et prirent des esclaves nègres pour les cultiver. De la sorte s’établit une division naturelle des divers éléments de la population du sol américain. Dans l’Amérique du Nord, la partie sud-est devint européenne, et leipopulations indiennes durent se retirer à l’ouest. Dans l’Amérique du Sud au contraire, ces populations se trouvèrent cernées de toutes parts, et ne purent communiquer librement avec l’Océan qu’en Patagonie ou dans les deltas de l’Orénoque et du fleuve des Amazones. L’Amérique centrale et la partie ouest de l’Amérique du Sud furent des pays où les Européens et les indigènes se confondirent. Les rives orientales, entre 35° de latitude nord et 35° de latitude sud, devinrent des pays européens avec des esclaves, et au delà de ces parallèles, des pays également européens, mais sans esclaves. L’Amérique européanisée présente par conséquent trois castes, les Européens, les indigènes et les esclaves. Leur couleur établit entre elles des divisions bien tranchées ; mais les barrières sociales qui en résultent n’ont pas partout la même force.

Les anciens ont-il connu l’Amérique ? « Homère, dit Chateaubriand, plaçait l’Élysée dans la mer occidentale, au delà des ténèbres Cimmériennes ; était-ce la terre de Colomb ? La tradition des Hespérides, et ensuite des îles Fortunées, succéda à celle de l’Élysée. Les Romains virent les îles Fortunées dans les Canaries, mais ne détruisirent point la croyance populaire de l’existence d’une terre plus reculée à l’occident. Tout le monde a entendu parler de l’Atlantide de Platon : ce devait être un continent plus grand que l’Asie et l’Afrique réunies, lequel était situé dans l’Océan occidental, en face du détroit de Gadès ; position juste de l’Amérique. Quant aux villes florissantes, aux dix royaumes gouvernés par des rois fils de Neptune, etc., l’imagination de Platon a pu ajouter ces détails aux traditions égyptiennes. L’Atlantide fut, dit-on, engloutie dans un jour et une nuit au fond des eaux. C’était se débarrasser à la fois du récit des navigateurs phéniciens et des romans du philosophe grec. Aristote parle d’une lie si pleine de charmes que le sénat de Carthage défendit à ses marins d’en fréquenter les parages, sous peine de mort. Diodore nous a fait l’histoire d’une île considérable et éloignée, où les Carthaginois étaient résolus de transporter le siège de leur empire s’ils éprouvaient en Afrique quelque malheur. Qu’est-ce que cette Panchœa d’Evhémère, niée par Strabon et Plutarque, décrite par Diodore et Pomponius Mela, grande île située dans l’Océan au sud de l’Arabie, île enchantée où le phénix bâtissait son nid sur F autel du soleil ? Selon Ptolémée, les extrémités de l’Asie se réunissaient à une terre inconnue qui joignait l’Afrique par l’occident. Presque tous les monuments géographiques de l’antiquité indiquent un continent austral. Ce continent était sans doute fort propre à remplir sur les cartes des espaces vides ; mais il est aussi très possible qu’il y fût dessiné comme le souvenir d’une tradition confuse.

« Depuis la chute de l’empire Romain et la reconstruction de la société par les barbares, des vaisseaux ont-ils touché aux côtes de l’Amérique avant ceux de Christophe Colomb ? Il paraît indubitable que les rudes explorateurs des ports de la Norvège et de la Baltique rencontrèrent l’Amérique septentrionale dans la première année du onzième siècle. Ils avaient découvert les îles Feroë vers l’an 861, l’Islande de 860 à 872, le Groenland en 982, et peut-être cinquante ans plus tôt. En 1001, un Islandais, appelé Biorn, passant au Groenland, fut chassé par une tempête au sud-ouest, et tomba sur une terre basse toute couverte de bois. Revenu au Groenland, il raconte son aventure. Leif, fils d’Éric Rauda, fondateur de la colonie norvégienne du Groenland, s’embarque avec Biorn. Ils cherchent et retrouvent la côte vue par celui-ci : ils appellent Helleland une île rocailleuse, et Marcland un rivage sablonneux. Entraînés sur une seconde côte, ils remontent une rivière, et hivernent sur le bord d’un lac. Dans ce lieu, au jour le plus court de l’année, le soleil reste huit heures sur l’horizon. Un marinier allemand, employé par les deux chefs, leur montre quelques vignes sauvages ; Biorn et Leif laissent en partant à cette terre lenom de Vinland. Dès lors le Vinland est fréquenté des Groenlandais : ils y font le commerce des pelleteries avec les sauvages. L’évêque Éric, en 1121, se rend du Groenland au Vinland pour prêcher l’Évangile aux naturels du pays. Il n’est guère possible de méconnaître à ces détails quelque terre de l’Amérique du Nord, vers les 49 degrés de latitude, puisque au jour le plus court de l’année, note par les voyageurs, le soleil resta huit heures sur l’horizon. Au 49e degré de latitude, on tomberait à peu près à l’embouchure du Saint-Laurent. Ce 49e degré vous porte aussi sur la partie septentrionale de l’île de Terre-Neuve. Là coulent de petites rivières qui communiquent à des lacs fort multipliés dans l’intérieur de l’île. On ne sait pas autre chose de Leif, de Biorn et d’Éric. La plus ancienne autorité pour les faits à eux relatifs est le recueil des Annales de l’Islande par Hauk, qui écrivait en 1800,conséquemment trois cents ans après la découverte vraie ou supposée du Vinland.

e et le 65e degré de latitude nord, une île appelée Frislande ; à l’ouest de cette île et au sud du Groenland ; à une distance d’à peu près quatre cents lieues, cette carte indique deux côtes sous le nom d’Estotiland et de Droceo. Des pêcheurs de Frislande jetés, dit le récit, sur l’Estotiland, y trouvèrent une ville bien bâtie et fort peuplée ; il y avait dans cette ville un roi et un interprète qui parlait latin. Les Frislandais naufragés furent envoyés par le roi d’Estotiland vers un pays situé au midi, lequel pays était nommé Drocéo : des anthropophages les dévorèrent, un seul excepté. Celuici revint à Estotiland, après avoir été longtemps esclave dans le Drocéo, contrée qu’il représente comme étant d’une immense étendue, comme un nouveau monde. Il faudrait voir dans l’Estotiland l’ancien Vinland des Norvégiens : ce Vinland serait Terre-Neuve ; la ville d’Estotiland offrirait le reste de la colonie norvégienne, et la contrée de Drocéo ou Drogéo deviendrait la Nouvelle-Angleterre. Il est certain que le Groenland a été découvert dès le milieu du dixième siècle ; il est certain que la pointe méridionale du Groenland est fort rapprochée de la côte du Labrador ; il est certain que les Esquimaux, placés entre les peuples de l’Europe et ceux de l’Amérique, paraissent tenir davantage des premiers que des seconds ; il est certain qu’ils auraient pu montrer aux premiers Norvégiens établis au Groenland la route du nouveau continent ; mais enfin trop de fables et d’incertitudes se mêlent aux aventures des Norvégiens et des frères Zenipour qu’on puisse ravir à Colomb la gloire d’avoir abordé le premier aux terres américaines. La carte de navigation des deux Zeni et la relation de leur voyage exécuté en 1380, ne furent publiées qu’en 1558 par un descendant de Nicolo Zeno ; or, en 1558 les prodiges de Colomb avaient éclaté : des jalousies nationales pouvaient porter quelques hommes à revendiquer un honneur qui certes était digne d’envie ; les Vénitiens réclamaient Estotiland pour Venise, comme les Norvégiens Vinland pour Berghen.

« Plusieurs cartes du quatorzième et du quinzième siècle présentent des découvertes faites ou à faire dans la grande mer, au sud-ouest et à l’ouest de l’Europe. Selon les historiens génois, Doria et Vivaldi mirent à la voile dans le dessein de se rendre aux Indes par l’occident ; et ils ne revinrent plus. L’île de Madère se rencontre sur un portulan espagnol de 1384 sous le nom d’isola di Leguame. Les îles Açores paraissent aussi dès l’an 1380. Enfin une carte tracée en 1436 par André Bianco, Vénitien, dessine à l’occident des iles Canaries une terre d’Antilla, et au nord de ces Antilles une autre île appelée isola de la man Satanaxio. On a voulu faire de ces îles les Antilles et Terre-Neuve ; mais l’on sait que Marc Paul prolongeait l’Asie au sud-est, et plaçait devant elle un archipel qui, s’approchant de notre continent par l’ouest, devait se trouver pour nous à peu près dans la position de l’Amérique. C’est en cherchant ces Antilles indiennes, ces Indes occidentales, que Colomb découvrit l’Amérique : une prodigieuse erreur enfanta une miraculeuse vérité.

« Les Arabes ont eu quelque prétention à la découverte de l’Amérique ; les frères Almagrurins, de Lisbonne, pénétrèrent, dit-on, aux terres les plus reculées de l’occident. Un manuscrit arabe raconte une tentative infructueuse dans ces régions, où tout était ciel et eau.

« Tandis que les Portugais côtoient les royaumes de Quitève, de Sédanda, de Mozambique, de Mélinde, qu’ils imposent des tributs à des rois Maures, qu’ils pénètrent dans la mer Rouge, qu’il achèvent le tour de l’Afrique, qu’ils visitent le golfe Persique et les deux presqu’îles de l’Inde, qu’ils sillonnent les mei> de la Chine, qu’ils touchent à Canton, reconnaissent le Japon, les îles des Épiceries et jusqu’aux rivages de la NouvelleHollande, une foule de navigateurs suivent le chemin tracé par les voiles de Colomb. Cortez renverse l’empire du Mexique, et Pizarre celui du Pérou. Ces conquérants marchaient de surprise en surprise et n’étaient pas eux-mêmes la chose la moins étonnante de leurs aventures. Ils croyaient avoir exploré tous les abîmes en atteignant les derniers flots de l’Atlantique, et du haut des montagnes Panama, ils aperçurent un second Océan qui couvrait la moitié du globe. Nugnez Balboa descendit sur la grève, entra dans les vagues jusqu’à la ceinture, et, tirant sou epée, prit possession de cette mer au nom du roi d’Espagne. Les Portugais exploitaient alors les côtes de l’Inde et de la Chine. Les compagnons de Vasco de Gama et de Christophe Colomb se saluaient des deux bords de la mer inconnue qui les séparait : les uns avaient retrouvé un ancien monde, les autres découvert un monde nouveau. Des, rivages de l’Amérique aux rivages de l’Asie, les chants du Camoens répondaient aux chants d’Ercilla, à travers les solitudes de l’Océan Pacifique.

« Jean et Sébastien Cabot donnèrent à l’Angleterre l’Amérique septentrionale ; Cortereal releva la Terre-Neuve, nomma le Labrador, remarqua l’entrée de la baie d’Hudson, qu’il appela le détroit d’Anian, et par lequel on espéra trouver un passage aux Indes orientales. Jacques Cartier, Vorazani, Ponce de Léon, Walter Raleigh, Ferdinand de Soto, examinèrent et colonisèrent le Canada, l’Acadie, la Virginie, les Florides. En venant atterrir au Spitzberg, les Hollandais dépassèrent les limites fixées à la problématique Thulé ; Hudson et Baffin s’enfoncèrent dans les baies qui portent leurs noms. Les îles du golfe Mexicain furent placées dans leurs positions mathématiques. Âméric Vespuce avait fait la délinéation des cotes de la Guyane, de la Terre Ferme et du Brésil ; Solis trouva Rio de la Plata ; Magellan, entrant dans le détroit nommé de lui, pénètre dans le grand Océan : il est tué aux Philippines. Son vaisseau arrive aux Indes par l’occident, revient en Europe par le cap de Bonne-Espévance, et achève ainsi le premier tour du monde. Le voyage avait duré onze cent quatre-vingt-quatre jours. On croyait encore que le détroit de Magellan était le seul déversoir qui donnât passage à l’Océan Pacifique, et qu’au midi de ce détroit la terre américaine rejoignait un continent austral. Francis Drake d’abord, et ensuite Schouten et Lemaire, doublèrent la pointe méridionale de l’Amérique. La géographie du globe fut alors fixée de ce côté : on sut que l’Amérique et l’Afrique, se terminant aux caps de Hora et de Bonne-Espérance, pendaient en pointes vers le pôle Antarctique, sur une mer australe parsemée de quelques îles. Bans le grand Océan, la Californie, son golfe et la mer Vermeille avaient été connus de Cortez. Cabrillo remonta le long des côtes de la Nouvelle-Californie jusqu’au 43e degré de latitude nord ; Galli s’éleva au 67e degré. Au milieu de tant de périples réels, Maldonado, Juan de Fuca, et l’amiral de Fonte placèrent leurs voyages chimériques. Ce fut Behring qui fixa au nord-ouest les limites de l’Amérique septentrionale, comme Lemaire avait fixé au sud-est les bornes de l’Amérique méridionale. L’Amérique barre le chemin de l’Inde comme une longue digue entre deux mers.

« Une cinquième partie du monde, vers le pôle austral, avait été aperçue par les premiers navigateurs portugais : cette partie du monde est même dessinée assez correctement sur une carte du seizième siècle, conservée dans le Muséum britannique ; mais cette terre, longée de nouveau par les Hollandais, successeurs des Portugais aux Moluques, fut nommée par eux Terre de Diémen. Elle reçut enfin le nom de Nouvelle-Hollande, lorsqu’en 1642 Abel Tasman en eut achevé le tour : Tasman, dans ce voyage, eut connaissance de la Nouvelle-Zélande.

« Des intérêts de commerce et des guerres politiques ne laissèrent pas longtemps les Espagnols et les Portugais en jouissance paisible de leurs conquêtes. En vain le pape avait tracé la fameuse ligne qui partageait le monde entre les héritiers du génie de Gama et de Colomb. Le vaisseau de Magellan avait prouvé physiquement aux plus incrédules que la terre était ronde et qu’il existait des antipodes. La ligne droite du souverain pontife ne divisait donc plus rien sur une surface circulaire, et se perdait dans le ciel. Les prétentions et les droits furent bientôt mêlés et confondus. Les Portugais s’établirent en Amérique, et les Espagnols aux Indes ; les Anglais, les Français, les Danois, les Hollandais accoururent au partage de la proie. On descendait pêle-mêle sur tous les rivages : on plantait un poteau, on arborait un pavillon ; on prenait possession d’une mer, d’une île, d’un continent, au nom d’un souverain de l’Europe, sans se demander si des peuples, des rois, des hommes policés ou sauvages n’étaient point les maîtres légitimes de ces lieux. Les missionnaires pensaient que le monde appartenait à la Croix, dans ce sens que le Christ, conquérant pacifique, devait soumettre toutes les nations à l’Évangile ; mais les aventuriers du quinzième et du seizième siècle prenaient la chose dans un sens plus matériel ; ils croyaient sanctifier leur cupidité en déployant l’étendard du salut sur une terre idolâtre : ce signe d’une puissance de charité et de paix devenait celui de la persécution et de la discorde. Les Européens s’attaquèrent de toutes parts ; une poignée d’étrangers répandus sur des continents immenses semblaient manquer d’espace pour se placer. Non-seulement les hommes se disputaient ces terres et ces mers où ils espéraient trouver l’or, les diamants, les perles ; ces contrées qui produisent l’ivoire, l’encens, l’aloès, le thé, le café, la soie, les riches étoffes ; ces îles où croissent le cannellier, le muscadier, le poivrier, la canne à sucre, le palmier au sagou ; mais ils s’égorgeaient encore pour un rocher stérile sous les glaces des deux pôles, ou pour un çhétif établissement dans le coin d’un vaste désert. Ces guerres, qui n’ensanglantaient jadis que leur berceau, s’étendirent avec les colonies européennes à toute la surface du globe, enveloppèrent des peuples qui ignoraient jusqu’au nom des pays et des rois auxquels on les immolait. Un coup de canon tiré en Espagne, en Portugal, en France, en Hollande, en Angleterre, au fond de la Baltique, faisait massacrer une tribu sauvage au Canada, précipitait dans les fers une famille nègne de la côte de Guinée, ou renversait un royaume dans l’Inde. Selon les divers traités de paix, des Chinois, des Indous, des Africains, des Américains, se trouvaient Français, Anglais, Portugais, Espagnols, Hollandais, Danois : quelques parties de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique changeaient de maîtres selon la couleur d’un drapeau arrivé d’Europe. Les gouvernements de notre continent ne s’arrogeaient pas seuls cette suprématie ; de simples compagnies de marchands, des bandes de flibustiers faisaient la guerre à leur profit, gouvernaient des royaumes tributaires, des îes fécondes,, au moyen d’un comptoir, d’un agent de commerce ou d’un capitaine de forbans.

« Les premières relations de tant de découvertes sont pour la plupart d’une naïveté charmante ; il s’y mêle beaucoup de fables, mais ces fables n’obscurcissent point la vérité. Les auteurs de ces relations sont trop crédules sans doute, mais ils parlent en conscience ; çhrétiens peu éclairés, souvent passionnés, mais sincères, s’ils vous trompent, c’est qu’ils se trompent eux-mêmes. Moines, marins, soldats, éployés dans ces expéditions, tous vous disent leurs dangers et leurs aventures, avec une piété et une chaleur qui se communiquent. Ces espèces de nouveaux croisés, qui vont eu quête de nouveaux mondes, racontent ce qu’ils ont vu Ou appris : sans s’en douter, ils excellent à peindre, parce qu’ils réfléchissent fidèlement l’image de l’objet placé sous leurs yeux. On sept dans leurs récits l’étonnement et l’admiration qu’ils éprouvent à la vue de ces mers virginales, de ces terres primitives qui se déploient devant eux, de cette nature qu’ombragent des arbres gigantesques, qu’arrosent des fleuves immenses, que peuplent des animaux inconnus.

« La découverte de l’Amérique, arrivée sous Charles VIII, en 1492, produisit une révolution dans le commence, la propriété et les finances de l’ancien monde, L’introduction de l’or du Mexique et du Pérou baissa le prix des métaux, éleva celui des denrées et de la main-d’œuvre, fit changer de main la propriété fonçière et créa une propriété inconnue jusqu’alors, celle des capitalistes, dont les Lombards et les juifs avaient donné la première idée. Avec les capitalistes naquit la population industrielle et la constitution artificielle des fonds publics. Une fois entrée dans cette coûte, la société se renouvela sous le rapport des finances comme elle s’était renouvelée sous les rapports moraux et politiques, Aux aventures des croisades succédèrent des aventures d’outre-mer d’une tout autre importance : le globe s’arrondit, le système des colonies modernes commença, la marine militaire et marchande s’accrut de toute l’étendue d’un océan sans rivages, La petite mer intérieure de l’ancien monde ne resta plus qu’un bassin de peu d’importance, lorsque les richesses des Indes arrivèrent en Europe par le cap des Tempêtes. »

C’est en Allemagne que le nouveau monde découvert par Christophe Colomb reçut pour la première fois le nom d’Amérique. Un exemplaire de l’ouvrage écrit en latin dans lequel Améric Vespuce a raconté l’histoire de ses voyages en Amérique, étant arrivé en Allemagne, Martin Wakdseemuller, de Fribourg en Brisgau, le traduisit sous le pseudonyme de Ylacomilus, pour un libraire de Saint-Dié en Lorraine. Cette traduction eut un immense succès ; c’était le premier ouvrage qui donnât quelques renseignements sur le Nouveau Monde, dont la découverte, encore récente, préoccupait vivement tous les esprits. Les éditions se succédèrent avec rapidité ; et Waldseemuller proposa de donner à la nouvelle terre le nom d’America en l’honneur de l’auteur dont il s’était fait l’interprète parmi ses compatriotes. Ce nom se trouve déjà inscrit sur une carte jointe à une édition de la Géographie de. Ptolémée publiée eu 1522 à Metz ; les savants ne tardèrent pas à l’adopter ; de sorte que les Espagnols durent à la fin faire comme tout le monde.