Âne

  • Agriculture
  • Eug. Marie.
  • Encyclopédie moderne

Âne. Les services que la grande culture réclame du cheval et du bœuf, la petite propriété et la culture maraîchère les attendent de l’âne ; les pays vignobles trouvent aussi en lui un auxiliaire que nulle autre espèce animale ne saurait avantageusement remplacer ; sa sobriété en fait le compagnon du pauvre, dont il partage les travaux : rarement malade, il supporte mieux que le cheval les alternatives du froid et du chaud, il est facile à nourrir, doué d’une intelligence plus vive qu’on ne le pense généralement, et susceptible de s’attacher à son maître ; malgré toutes ces bonnes qualités, qu’on devrait chercher à développer par l’éducation, peu d’animaux sont autant que lui victimes de la négligence et des mauvais traitements. Cette absence de soins, l’abandon auquel est généralement livrée en France la production de l’âne, a déjà porté ses fruits, et il suffît de comparer les ânes que l’on rencontre dans la plupart de nos campagnes, aux belles races du Poitou, de la Gascogne, et surtout de l’Italie, pour se convaincre que l’espèce la plus généralement répandue en France est une espèce abâtardie. Des soins intelligents, une bonne hygiène, une sage direction imprimée à la multiplication et à l’élevage de l’espèce asine seraient d’autant plus nécessaires pour prévenir son abâtardissement, que le climat d’une grande partie de la France lui est moins favorable. L’âne, en effet, est originaire des pays chauds, L’Angleterre, le Danemark, la Suède, la Hollande, la Pologne en possèdent fort peu, tandis qu’ils sont très nombreux en Perse, en Arabie, en Espagne et en Italie ; l’âne est d’autant plus vigoureux et plus gros que le pays est plus chaud. C’est aussi du climat que dépendent sa force, la couleur de son poil, la durée de sa vie, sa précocité plus ou moins grande relativement à la génération, sa vieillesse plus ou moins retardée, et ses maladies. Les naturalistes le croient originaire de l’Arabie, d’où il serait passé en Égypte, en Grèce et en Italie ; la France le tient de l’Italie ou plutôt de l’Espagne ; mais il est certain que son organisation n’acquiert toute la plénitude de son développement que sous l’influence d’un soleil ardent, et qu’il dégénère à mesure qu’il s’approche du pôle.

Les formes ignobles de l’âne, dégradé par la domesticité et par l’incurie des propriétaires, ne se rencontrent pas, tant s’en faut, dans l’âne sauvage et dans celui dont la race a été perfectionnée par des appareillements bien calculés et par un bon régime hygiénique, L’âne sauvage est plus beau que l’âne domestique : ce qui est tout le contraire dans l’espèce du cheval ; il a les membres plus fins ; l’encolure plus redressée, l’oreille d’un tiers plus courte, mobile et toujours attentive ; le front plus large et plus aplati entre les yeux ; la couleur, uniforme comme dans les espèces sauvages, est ce que l’on nomme café au lait ; la raie noire cruciale est bien prononcée, le flocon de crin qui termine la queue est long de 0,108 à 0,162 ; sa taille est à peu près celle du cheval de l’Orient, et son agilité presque aussi grande. Cet âne sauvage se rencontre encore au centre de l’Asie entre le 20e et le 40e degré de latitude. La paresse, la lenteur, l’obstination, qui sont le partage des races abâtardies, sont presque étrangères à celles dont l’amélioration a été soigneusement entretenue. Sans doute, l’âne n’a pas la noblesse, le feu, la docilité parfaite du cheval de sang bien dressé ; mais il est plus patient, plus tranquille, plus sobre, plus robuste, plus disposé à s’accommoder à toutes les situations dans lesquelles il peut se trouver ; né pour parcourir les montagnes escarpées, les sentiers scabreux, son pied, sûr et agile, franchit avec sécurité le passage le plus dangereux. L’âne a plus de constance dans le travail que le cheval ; il supporte avec plus de résignation les châtiments qui lui sont infligés ; il se contente de la nourriture la plus grossière, se repaît des herbes que dédaignent les autres animaux, brave mieux les tourments de la faim et de la soif ; ses sens sont plus actifs, son ouïe plus fine, sa vue plus robuste ; aussi a-t-il moins à redouter les attaques de la fluxion périodique ; enfin, à tous ces avantages l’âne joint encore une extrême finesse d’odorat.

La sécheresse et l’épaisseur des tissus cutanés de l’âne le portent à se rouler souvent dans la poussière, pour ouvrir les pores de la peau. Aussi, les bains froids en hiver lui sont-ils très bons ; et il est plus sensible à la piqûre de l’hippobosque ou mouche plate et à l’attaque des autres insectes ailés, qu’aux coups le plus fortement assenés.

La longévité de l’âne est de trente à trente-cinq ans ; mais sa vie moyenne ne dépasse pas quinze à dix-huit ans ; sa taille est très variable : on en rencontre depuis la taille d’une forte chèvre jusqu’à celle d’un cheval de moyenne grandeur.

Dans l’usage du commerce on ne reconnaît en France que deux races : celle du Poitou et celle de Gascogne.