Accouchement

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  • A. Le Pileur
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Accouchement. Ce mot, dans son acception la plus étendue, comprend l’état puerpéral tout entier depuis les premiers efforts que fait la nature pour mettre au jour le produit de la conception, jusqu’au moment où, l’utérus étant complètement débarrassé de son fardeau, la femme n’a plus qu’à se remettre de ses fatigues et de ses douleurs.

L’accouchement est dit spontané quand il s’opère par les seules forces de la nature ; le rôle du médecin se borne alors à surveiller l’évolution des phénomènes physiologiques, en leur prêtant un secours judicieux. L’accouchement artificiel est celui dans lequel l’aide de la main ou des instruments est nécessaire.

Les relevés faits par Dugès sur les registres de la Maternité, pour deux périodes comprenant chacune un grand nombre d’années, donnent en moyenne 1 accouchement artificiel pour 69 spontanés.

M. P. Dubois cite les résultats suivants dans le Dictionnaire de médecine, 2e édit. : à la Maternité, à Paris, en quinze ans, sur 20,357 accouchements, la proportion des accouchements spontanés aux artificiels a été : 61,2 : 1 ; à l’école de Vienne, en neuf ans, sur 9,619 accouchements observés en deux périodes, la proportion a été en moyenne :: 93,5 : 1 ; au dispensaire de Westminster, sur 1897 accouchements, la proportion a été :: 60 : 1.

L’époque de l’accouchement ne saurait être fixée d’une manière rigoureuse, et la nature ne présente pas moins d’anomalies à cet égard qu’à tout autre ; cependant on peut dire que l’accouchement à terme correspond au travail préparatoire de la dixième époque menstruelle à partir de l’imprégnation. On nomme tardif l’accouchement qui a lieu après le neuvième mois révolu, prématuré celui qui s’opère de la fin du sixième au commencement du neuvième ; enfin on appelle avortement l’expulsion du fœtus non viable, c’est-à-dire âgé de moins de six mois.

Les phénomènes généraux de l’accouchement chez la mère peuvent se diviser en quatre périodes.

La première est signalée par l’abaissement de l’utérus, dont le fond s’éloigne de l’épigastre ; les femmes disent alors que le ventre tombe, parce qu’en effet sa saillie est moins considérable ; à ce signe vient se joindre de la pesanteur vers la vessie et le rectum, tandis que la respiration et les fonctions de l’estomac sont plus libres. La femme est plus agile ; quelques légers malaises, quelques douleurs passagères connues sous le nom de mouches, et résultant de faibles contractions utérines, surviennent à la fin ou dans le courant de cette période, dont la durée varie de quelques heures à dix ou quinze jours. Dans les derniers temps le col utérin est complètement effacé, ses lèvres seules ramollies et tuméfiées sont encore reconnaissables.

La deuxième période commence ordinairement le soir ou la nuit, elle est caractérisée par des douleurs d’abord courtes, faibles, éloignées, puis augmentant de longueur, de force et de fréquence, au point de ne laisser quelquefois pas d’intervalle entre elles. Ces douleurs, qui caractérisent le travail, consistent dans une sensation analogue à la crampe, et se propagent pour l’ordinaire de l’ombilic à la région pelvienne. Elles sont reconnaissables pour le médecin à la tension et à la dureté de l’utérus, que l’on sent se contracter sous la main. Cependant l’orifice du col utérin se dilate peu à peu, les membranes qui enveloppent le fœtus s’engagent en partie dans son ouverture et, distendues par les eaux de l’amnios, font dans le vagin une saillie nommée poche des eaux. D’abondantes mucosités teintes d’un peu de sang sont sécrétées par le col de l’utérus et par le vagin.

Cette période peut durer d’une demi-heure à cinq ou six heures dans les cas normaux.

La troisième, qui se termine par l’expulsion du fœtus, dure un quart d’heure, une demi-heure et jusqu’à trois heures ; la durée de la parturition varie donc en général d’une à douze heures ; elle peut même se prolonger bien au delà sans cause morbide ; c’est surtout chez les femmes primipares et qui ont leur premier enfant à un âge déjà avancé, que l’on observe cette lenteur du travail. Le phénomène qui caractérise la troisième période, c’est la dilatation complète du col utérin ; c’est ordinairement alors que la poche des eaux se déchire : cependant la rupture a lieu quelquefois dès le commencement de la deuxième période. Une partie des eaux s’écoule, mais la partie présentée par le fœtus vient presque immédiatement s’appliquer à l’orifice utérin et ferme le passage au reste du liquide. Le fœtus commence bientôt à effectuer sa sortie ; il descend au-dessous du détroit supérieur dans l’excavation pelvienne, franchit l’orifice utérin, dont souvent le bord se déchire sous l’effort d’extension qu’il subit, et pénètre dans le vagin, qui se dilate. Les douleurs expultrices deviennent plus violentes, conquassantes comme disent les accoucheurs ; sous leur influence la femme se sent entraîner à pousser fortement, et ces efforts, qui pendant la deuxième période n’auraient fait qu’épuiser inutilement ses forces, contribuent alors beaucoup à hâter la sortie du fœtus.

La vulve et le périnée portés en avant forment une tumeur au milieu de laquelle on aperçoit entre les grandes lèvres la partie que présente le fœtus ; enfin un dernier effort a lieu et la vulve est franchie par une portion du fœtus, le reste suit bientôt, et le calme succède aux douleurs.

Quatrième période. Quelques frissons, quelques mouvements spasmodiques interrompent de temps en temps le repos complet dont jouit l’accouchée ; bientôt des douleurs légères se font sentir : c’est l’utérus qui, revenu sur lui-même, se contracte pour expulser le placent. Un quart d’heure, une demi-heure après la sortie du fœtus, les membranes de l’œuf et le placenta sont chassés au dehors. Cette dernière scène porte le nom de délivrance.

L’accouchement est terminé ; mais tout n’est pas fini pour l’accouchée, que des soins judicieux doivent entourer quelque temps encore. Nous en parlerons plus loin.

Phénomènes de l’accouchement relativement à l’enfant. Dans les quinze derniers jours de la grossesse l’enfant a généralement dans l’utérus la,position qu’il aura au moment du travail ; toutefois cette règle, si on peut l’appeler ainsi, admet de nombreuses exceptions. Quand le travail commence, et avant la dilatation, le toucher permet de reconnaître quelle est la partie que le fœtus présente à l’orifice, et quand une fois des douleurs franches ont fixé cette partie au détroit supérieur, on peut être à peu près certain que la présentation ne changera pas d’une manière défavorable.

Le tableau suivant, donné par Dugès dans le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratique, indique les présentations du fœtus suivant la division de cet auteur et leur fréquence relative d’après un grand nombre d’accouchements observés à la Maternité de Paris.

Le deuxième genre, présentation pelvienne, renferme les présentations par les pieds, par les genoux et par les fesses ; le quatrième et le cinquième comprennent les présentations du tronc.

Une des conditions nécessaires à l’accouchement naturel est que le fœtus se présente par l’une de ses deux extrémités, c’est-à-dire, soit par le vertex, soit par le pelvis. Le genre et l’étendue de notre travail ne nous permettent pas de décrire ici dans toutes ses variétés le mécanisme de l’accouchement relativement au fœtus. Nous nous contenterons d’indiquer en quelques mois celui de la présentation en première position du vertex, qui est, comme on a vu, de beaucoup la plus fréquente.

Au commencement du travail, la têtes, se présente au détroit supérieur, son plus grand diamètre, l’occipito-bregmatique (de l’occiput au menton) correspond au diamètre oblique du détroit, l’occiput touchant la cavité cotyloïde gauche et le front la symphyse sacro-iliaque droite. Bientôt la tête se fléchit sur le thorax, l’occiput s’abaisse et le front remonte ; la tête descend ainsi dans l’excavation pelvienne, son plus grand diamètre correspondant toujours à celui de la cavité qui la reçoit, en sorte que bientôt l’occiput se trouve porté en avant dans l’arcade pubienne, tandis que le front correspond à la concavité du sacrum. Dans un troisième temps, l’occiput franchit l’arcade pubienne et la vulve ; la tête se redresse alors en décrivant un quart de cercle, et le menton franchit la fourchette de la vulve ; dès que la tête est libre, elle reprend sa position normale, et la ligne occipito-frontale coupe à angle droit celle des deux épaules ; l’occiput regarde l’aine gauche, le front regarde l’ischion droit. Les épaules traversent, comme la tête, le détroit supérieur, l’excavation pelvienne et le détroit inférieur, en présentant toujours leur plus grand diamètre à celui de ces différents passages. Le reste du tronc et les jambes sortent rapidement et sont comme lancés hors de la vulve, dès que Les épaules ont franchi cet orifice.

Nous donnerons ailleurs quelques détails sur les autres positions et sur les moyens dont elles peuvent nécessiter l’emploi, comme aussi sur les phénomènes du travail relatifs au nombre des enfants. (Voyez : Dystogie, Forceps, Jumeaux).

Soins à donner à la femme pendant et après l’accouchement. Le médecin appelé auprès d’une femme atteinte des premières douleurs, s’assure autant que possible de la date de la grossesse et se fait rendre compte des phénomènes qui ont précédé son arrivée. Il pratique ensuite le toucher pour juger de la position du fœtus et de l’état du col. Si les douleurs sont mal caractérisées ou ne tiennent pas uniquement à l’utérus, il cherche à les calmer par des moyens appropriés ; un lavement avec addition de dix douze gouttes de laudanum de Sydenham réussit fort bien dans ce cas. Si l’on reconnaît un commencement de travail, on fait prendre à la femme les habits qu’elle doit conserver jusqu’à la fin de l’accouchement ; on s’assure que le rectum et la vessie ont été évacués récemment, et dans le cas contraire on avise aux moyens de les débarrasser. Le bain, la saignée sont quelquefois jugés nécessaires pour combattre des indications morbides. La plupart du temps, le médecin n’a que le repos à prescrire, un peu d’eau légèrement sucrée pour apaiser la soif et du bouillon pour soutenir les forces quand le travail se prolonge.

On s’occupe en même temps de préparer le lit de travail ; il doit se composer d’un lit de sangle au milieu duquel on place en long une allonge de table à manger, d’un matelas un peu dur et de quelques oreillers pour soutenir le buste ; on fait ce lit comme un lit ordinaire ; la tête est appliquée au mur, les côtés et le pied sont libres. On prépare également le berceau et les vêtements de l’enfant, de l’eau chaude, deux cuvettes, du fil de Bretagne ciré, une compresse, des ciseaux, de l’huile pour le toucher et plusieurs serviettes. La température de la chambre où se tient la femme ne doit pas dépasser douze à quatorze degrés de chaleur ; seulement on doit, au moment où l’enfant va naître, tenir prêt un feu vif et bien clair devant lequel on lui donnera les soins qu’il doirecevoir.

La femme ne doit se mettre sur le lit de travail que quand la dilatation du col est complète et la rupture des membranes imminente ; l’accoucheur s’assied à sa droite, la main gauche portant sur l’abdomen pour juger des contractions, la droite passée sous la cuisse droite de la femme, sans la découvrir et soutenant le périnée quand le fœtus vient le distendre. Immédiatement après la rupture des membranes, on s’assure par le toucher de la position définitive du fœtus ; enfin, quand la tête a franchi la vulve, l’accoucheur la soutient et dirige les épaules de manière à faciliter leur sortie, puis, plaçant l’enfant sur le côté entre les jambes de la mère, il coupe le cordon ombilical. Après avoir donné à l’enfant les soins qui le concernent, il s’occupe de la mère, s’assure que l’utérus revient sur lui-même, excite ses contractions, aide méthodiquement à la sortie du délivre, et s’assure par un examen attentif que l’œuf est sorti tout entier. La femme est ensuite couchée dans son lit ordinaire, une serviette pliée en triangle maintenue par un bandage de corps, comprimant l’hypogastre.

Soins à donner à l’enfant. Quant le cordon ombilical est coupé et lié, on s’assure que rien ne gène la respiration de l’enfant en obstruant les voies aériennes ; s’il ne crie pas, on excite les cris par deux ou trois tapes sur les fesses, puis on le fait laver à l’eau chaude, on enveloppe d’une compresse le cordon ombilical, et on emmaillotte l’enfant en prenant garde de ne pas le serrer. La tête doit être couverte d’une simple calotte et d’un béguin lâche et noué sous le menton. L’usage de l’eau froide pour laver l’enfant à sa naissance, bien que préconisé longtemps au nom de la philosophie, n’est qu’un préjugé barbare, qui n’a jamais été utile et peut être souvent funeste. Pendant les premières heures de la vie, l’enfant ne doit prendre qu’un peu d’eau sucrée ; on le couche sur le côté pour que les mucosités nasales ne gênent pas sa respiration ; on ne doit lui donner le sein que cinq ou six heures au plus tôt après sa naissance, l’eau sucrée peut même lui suffire vingt-quatre ou trentesix heures.