Surdité

  • Médecine
  • F. G Boisseau
  • Encyclopédie moderne

Surdité. Privation de l’ouïe. La surdité est une des infirmités les plus insupportables à l’homme. Ses causes se dérobent le plus souvent à toute investigation : aussi est-elle rarement curable.

Lorsqu’on est consulté pour un cas de surdité, il faut s’enquérir de l’époque de son invasion et de son degré, examiner, s’il y a écoulement puriforme, ulcération, carie de l’oreille ; s’il existe des excroissances dans le conduit auditif ; si ce conduit est oblitéré, très élargi et aride ; si la membrane du tympan est épaissie ou perforée ; si les osselets existent encore, ou s’ils sont disjoints et tombés hors de la cavité qui les recèle ; si la trompe d’Eustache est obstruée ; s’il y a engouement de l’oreille interne, si ses cavités renferment du sang. Il faut encore tâcher de reconnaître si le nerf auditif est comprimé ou seulement paralysé, et l’on pense bien qu’ici l’on est réduit à des conjectures peu satisfaisantes. L’état de pléthore du sujet, la suppression d’une maladie de la peau, des règles, d’une hémorragie, des hémorrhoïdes, le dessèchement d’un ulcère, l’interruption prématurée d’un accès de goutte, doivent être également pris en considération, non qu’il en résulte précisément des espèces de surdité différentes en elles-mêmes, mais parce que l’expérience a démontré que toutes ces circonstances sont des particularités utiles à connaître pour la direction et le choix des moyens de traitement. Cependant la plupart des praticiens se dispensent volontiers de la plus grande partie de ce long examen ; ils prescrivent, sans trop y regarder, les vésicatoires derrière les oreilles, les sétons à la nuque et les purgatifs. M. Itard seul a tracé des règles fixes pour le traitement de la surdité.

Elles sont basées sur ce principe, qu’il faut d’abord avoir égard à l’état de l’organe auditif lui-même, autant qu’il est donné à l’observateur de reconnaître ce qui se passe dans une partie aussi profonde, et qu’ensuite, ou plutôt en même temps, il faut s’attacher à mettre les viscères de la digestion dans un état tel, que l’on puisse exciter sur eux une forte révulsion, après avoir mis en usage les moyens déplétifs du système sanguin qui peuvent paraître indiqués. Les détails seraient ici surabondants. Il en est de la surdité comme de toutes les diminutions d’activité : on ne peut les traiter méthodiquement que lorsqu’on en connaît la source organique. Quand les moyens rationnels ont été épuisés, alors, et seulement alors, on peut recourir aux remèdes empiriques, qui pour la plupart consistent à provoquer l’inflammation du conduit auditif. Leur succès est rare, et plus rarement encore il est durable.

Une sorte d’impatience des bruits opposés, la difficulté de distinguer les mots au milieu d’une conversation animée, la diminution progressive de la faculté d’entendre de loin, annoncent l’invasion de la surdité. C’est là le moment de mettre en usage les dérivatifs et les déplétifs qui peuvent en prévenir le développement ; car lorsqu’elle est établie, et surtout ancienne, il est rare qu’on puisse la guérir. Cependant l’on compte des guérisons imprévues. Ce sont celles qui en ont été obtenues par la désobstruction du canal auditif, qu’oblitérait un amas de matière cérumineuse endurcie ; par la désobstrucfion de la trompe d’Eustache, ou par la perforation de la membrane du tympan. La surdité, qui est l’effet d’une phlegmasie chronique de la membrane qui revêt les cavités de l’oreille, est assez souvent guérie, quand ces cavités ne sont pas irrémédiablement oblitérées, quand les ramifications nerveuses sont demeurées intactes an milieu des matières dont l’écoulement décide le rétablissement du sens. Qu’on ne s’imagine pas toutefois qu’il ne s’agisse que de déboucher les oreilles pour rendre l’cuïe, dans le cas où la membrane muqueuse auditive est le siège d’une phlegmasie chronique ; il faut encore faire cesser la tendance du sang à se porter sur ces organes, en l’appelant vers un autre, où la perte d’un sens ne peut en être la conséquence.

M. Itard ne pense pas que la perte de l’ouïe soit plus douloureuse à supporter que celle de la vue. Dans un cercle nombreux, celui qui n’y voit pas, mais qui entend et qui parle, paraît moins à plaindre qu’un sourd ; mais dans la solitude, en présence de l’industrie ou de la nature, le plus malheureux est l’aveugle. Le sourd vit isolé ; il est privé des avantages de la fréquentation du monde. Si la surdité lui vient dès l’enfance, il perd la parole ; si la surdité vient plus lard, la voix s’altère, il finit par parler très bas et très confusément. Crier comme un sourd est donc une locution inexacte : il faudrait dire : crier comme pour un sourd. Quand la perte de l’ouïe est complète, il y a ordinairement diminution de la sensibilité d’autres organes ; enfin la perte de l’ouïe n’est compensée par la finesse d’aucun autre. Les sourds-muets sont plus observateurs, mais non plus clairvoyants.