Peur

  • Dictionnaire infernal

Peur. On prétend que pour se préserver de la peur il faut porter sur soi une épingle qui ait été fichée dans le linceul d’un mort.

Un officier logé en chambre garnie, et sur le point de rejoindre son régiment, était encore dans son lit au petit point du jour, lorsqu’un menuisier, porteur d’un cercueil pour un homme qui venait de mourir dans la pièce voisine, entra, croyant ouvrir la porte de la chambre du mort. « Voilà, dit-il, une bonne redingote pour l’hiver. » L’officier ne douta pas qu’on ne vînt pour le voler. Aussitôt il saute à bas du lit, et s’élance contre le prétendu voleur… Le menuisier, voyant quelque chose de blanc, laisse tomber son cercueil, et s’enfuit à toutes jambes, criant que le mort était à ses trousses… On dit qu’il en fut malade.

Un marchand de la rue Saint-Victor, à Paris, donnant un grand souper, la servante de la maison fut obligée de descendre à la cave à dix heures du soir. Elle était peureuse ; elle ne fut pas plutôt descendue, qu’elle remonta tout épouvantée, en criant qu’il y avait un fantôme entre deux tonneaux !… L’effroi se répandit dans la maison, les domestiques les plus hardis descendirent à la cave, les maîtres suivirent, et l’on reconnut que le spectre était un mort qui y avait glissé de la charrette de l’Hôtel-dieu, et était tombé dans la cave par le soupirail.

Un provincial venu à Paris, dans le temps du carnaval fit la partie, comme tant d’autres idiots, d’aller au bal masqué avec un de ses amis, et il se déguisa en diable ; c’était très ingénieux. Les deux amis se retirèrent avant le jour. Comme le carrosse qui les remmenait passait dans le quartier où logeait le provincial, il fut le premier qui descendit, et son ami le laissa devant sa porte, où il frappa vivement, parce qu’il faisait grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups avant de pouvoir éveiller une vieille servante de son auberge, qui vint enfin à moitié endormie lui ouvrir, mais qui, dès qu’elle le vit, referma sa porte au plus vite et s’enfuit en criant. Le provincial ne pensait pas à son costume, et, ne sachant ce que pouvait avoir la servante, il se remit à frapper ; mais inutilement, personne ne revint. Mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il aperçut de la lumière dans une maison : pour comble de bonheur, la porte n’était pas fermée tout à fait. Il vit en entrant un cercueil avec des cierges autour, et un bon homme qui, en gardant le mort, s’était endormi auprès d’un bon brasier. Le provincial, sans faire de bruit, s’approcha le plus qu’il put du brasier, s’y installa et s’endormit aussi fort tranquillement sur un siège. Cependant le gardien s’éveilla ; voyant la figure qui lui faisait compagnie, avec ses cornes et le reste, il ne douta pas que ce fût le diable qui venait prendre le mort. Il poussa des cris si épouvantables que le provincial, s’éveillant en sursaut, fut tout effrayé, croyant de son côté voir le défunt à ses trousses. Quand il fut revenu de sa frayeur, il fit réflexion sur son habillement et comprit que c’était ce qui avait causé ses embarras. Comme le jour commençait à paraître, il alla changer de mise dans une friperie et retourna à son auberge, où il n’eut pas de peine cette fois à se faire ouvrir la porte. Il apprit en entrant que la servante était malade, et que c’était une visite que le diable lui avait rendue qui causait son mal. Il n’eut garde de dire que lui-même était le diable. Il sut ensuite que l’on publiait dans le quartier que le diable était venu pour enlever un voisin. La servante attestait la chose ; et ce qui y donnait le plus de vraisemblance, c’est que le pauvre défunt avait été usurier. (Voyez : Apparitions, Revenants, Fannius, Visions, etc).