Action

  • Art militaire
  • Lamarque, Rhime
  • Encyclopédie moderne

Action. Lutte entre deux corps de troupes qui, suivant l’espèce de leurs armes, se chargent, se choquent, ou tirent l’un sur l’autre.

Une action générale entre deux armées ou entre la majeure partie de ces armées se nomme bataille.

Une action partielle n’est qu’un combat. Il y a cependant des combats plus sanglants et qui ont des conséquences plus importantes que certaines actions qu’on a décorées du nom imposant de bataille.

Une action entre de petites fractions d’armées se nomme escarmouche.

Une action entre deux individus, même lorsqu’il ne s’agit pas de vider une querelle particulière, est un duel. Ce genre d’action était fréquent dans les guerres de l’antiquité, et dans le moyen âge, où, bardés de toutes pièces, des chefs s’élançaient en avant de leurs troupes et décidaient quelquefois la querelle par un combat singulier. Nos armes, nos mœurs, et surtout la composition de nos armées, ont proscrit cet usage à la guerre.

Action d’éclat. Les Français, toujours audacieux, intelligents, enthousiastes, se sont toujours distingués par des faits mémorables, par des actions d’éclat ; mais l’histoire entière de la monarchie n’en cite pas autant que les vingt années de la guerre de la révolution, qui n’ont, pour ainsi dire, été qu’une longue bataille. Alors la carrière s’est ouverte pour tous ; toutes les mains ont pu saisir les palmes ; et la gloire est devenue plébéienne. Sous la république, les actions d’éclat étaient récompensées par un fusil d’honneur, par un sabre d’honneur ; et plus d’un de ces fusils, de ces sabres repose dans la demeure modeste de l’artisan et dans la chaumière du laboureur. Sous l’Empire, l’avancement, des titres, des dotations, et surtout la croix de la Légion d’honneur, étaient les récompenses des actions d’éclat.

Malgré le nom illustre dont l’article précédent est signé, nous nous permettons d’y ajouter quelques mots. — Et d’abord, le terme action, qui s’applique non-seulement à une bataille, à un combat, à une escarmouche, à un duel, mais encore à une sortie, à un assaut, à une escalade, à un enlèvement de poste, à une simple affaire, enfin à toute rencontre qui (abstraction faite de son plus ou moins d’importance ) a lieu en campagne entre des troupes ennemies, est peu ancien dans la langue militaire. Il paraît n’y avoir été introduit que dans le courant du dix-septième siècle. En vain le chercherait-on, par exemple, dans Brantôme, qui écrivait ses mémoires à la fin du seizième. Du temps de cet auteur, on disait jouer des mains ; on a dit plus tard en venir aux mains, être aux mains ; mais un substantif analogue à ces verbes manquait. On avait journée, on avait affaire, mais qui ne suffisaient pas ; action est venu combler heureusement cette lacune.

La généralité de ce terme, qui en fait précisément le mérite, ne nous permet de consigner ici que quelques observations très générales. Les motifs et les moyens d’engager l’action ou de l’éviter, les manœuvres et les stratagèmes qui doivent donner la victoire à l’un des deux partis, ou les fautes qui peuvent amener une défaite, varient, on le conçoit 1 selon qu’il s’agit d’une bataille, d’un combat, d’une escarmouche, d’une sortie, d’un assaut, etc. ; selon qu’il s’agit de l’attaque ou de la défense ; selon que la lutte a pour théâtre la plaine ou les montagnes. Poser des règles communes aux différents cas qui viennent d’être énumérés n’est point possible, et mous ne pouvons que renvoyer le lecteur, aux articles spéciaux oit il sera traité de chacun d’eux. C’est là quenous tâcherons d’expliquer les différentes ressources dont l’art de la guerre dispose suivant les circonstances. Ici, bornons-nous à dire que l’étude du terrain, la connaissance de ses accidents, la justesse de la tactique, l’à propos de l’offensive, sont les principaux éléments du succès d’une action, de même que la négligence ou l’oubli des règles deviennent presqueinfailliblement des causes d’échec ; bornons-nous à rappeler que jadis il était d’ordinaire préludé aux actions non seulement par des harangues du chef, mais encore par des chants, par des invocations, par des prières, et que ce sont là des usages qui se sont à peu près conservés jusque dans les temps modernes. C’est ainsi que chez nous, jusqu’à la révolution, il se livrait peu de batailles rangées, sans que la messe eût été préalablement célébrée sur un autel qu’on improvisait avec des tambours ; c’est, ainsi que pendant les premières années de la République, lorsque nos. soldats s’élançaient à l’ennemi, ils répétaient en chœur l’hymne patriotique de la Marseillaise ; enfin, c’est ainsi que souvent, le matin d’une action qu’il prévoyait devoir être décisive, Bonaparte général, Napoléon empereur, a porté au comble l’enthousiasme et l’ardeur ses troupes par des allocutions ou des ordres du jour qui sont devenus historiques. Jadis y à l’issue de l’action, les hérauts d’armes vènaient relever le nombre des morts, constater celui des prisonniers et dresser en quelquesorte le procès-verbal du champ de batailleMaintenant, on publie des bulletins, desrapports, qui sont des procès-verbaux du même genre.

Une action d’éclat est un acte individuel de courage ou de présence d’esprit, et doit, pour être regardée comme telle et pour obtenir rémunération, avoir été accomplie sur le champ de bataille même. Le connétable était autrefois le juge et le rémunérateur des actions d’éclat. Depuis que la charge de connétable est abolie, le privilège de rémunérer ces actions appartient au chef de l’État, qui l’exerce par l’entremise du ministre de la guerre. Il n’y a eu dérogation à cette règle que pendant les premières années de la République. Jusqu’à l’époque du Consulat, ce furent les généraux en chef qui, sur le rapport des généraux de division, décernaient aux actions d’éclat les diverses récompenses déterminées par les lois ; mais devenu premier consul, Bonaparte s’attribua exclusivement le droit d’octroyer ces récompenses, et ne laissa aux généraux en chef que la faculté d’adresser au ministre une liste de candidats. Cette mesure, maintenue sous l’Empire, maintenue sous la Restauration, l’est encore depuis 1830.

Sous l’ancienne monarchie, les actions d’éclat des officiers seuls obtenaient rémunération. Les lois modernes ont brisé ce monstrueux privilège, et rendu les titres des simples hommes de troupe égaux à ceux des officiers. Quant à la rémunération même, les actions d’éclat, jusqu’à la révolution, donnaient droit à l’avancement, et cet avancement, pour les officiers (les seuls en faveur de qui l’ordonnance du 29 avril 1758 stipulât), allait en temps de guerre jusques et y compris le brevet de colonel. Ou sait en outre que par ses statuts originaires l’ordre de Saint-Louis devait être une récompense des actions d’éclat. Au commencement des guerres de la République, alors que tous les ordres de chevalerie avaient été supprimés, les actions d’éclat n’étaient payées que par de simples mentions honorables, et ce prix, en ces temps glorieux où l’exaltation du patriotisme était poussée si loin, suffisait à la valeur désintéressée. A partir du 14 germinal de l’an III, elles furent • récompensées par l’avancement au grade immédiatement supérieur. Le général en chef, comme il en avait alors le droit, prononçait la nomination ; le militaire promu prenait aussitôt les marques distinctives de son nouveau grade et en touchait la solde jusqu’à la première vacance. Une loi du 19 fructidor an VI disposait même qu’en cas d’action d’éclat le défaut d’ancienneté de grade ne serait pas un obstacle à l’avancement, et, depuis, cette disposition est toujours restée en vigueur. De plus, l’article 87 de la constitution de l’an VIII décernait des récompenses nationales aux guerriers qui se signaleraient par des actions d’éclat, et ces récompenses (à l’imitation de ce qui se faisait à Rome, où de tels exploits étaient récompensés par le don d’une couronne, d’une hasta pura, c’est-à-dire d’une lance sans fer, ou d’une adorea, c’est-à-dire d’une mesure de blé) consistaient d’abord en armes d’honneur. C’étaient des fusils, des carabines, des mousquetons, des sabres, des haches de sapeur ou d’abordage ; ce furent aussi des grenades, des baguettes de tambour, des trompettes ; ce fut encore la double paye. Mais Bonaparte, devenu premier consul, trouva ces modes de rémunération trop peu éclatants, et, par une loi du 19 mai 1802, il institua la Légion d’honneur, dont tous les officiers, sous-officiers et soldats qui avaient obtenu des récompenses nationales aux termes de la constitution de l’an VIII, devinrent membres de droit.

Aujourd’hui les actions d’éclat valent encore à ceux qui les accomplissent, d’être proposés à l’avancement ou à la décoration, mais il faut (et il l’a toujours fallu) qu’elles soient constatées par des certificats authentiques et qu’elles aient été immédiatement mises à l’ordre du jour de l’armée. Le soin d’accomplir les formalités qui doivent les rendre valables, regarde le lieutenant-colonel du corps.