Allusion

  • Encyclopédie de famille

Allusion. C’est une figure de rhétorique employée pour désigner la convenance et le rapport d’une personne ou d’une chose à une autre ; elle consiste assez souvent dans l’application personnelle d’un trait de louange ou de blâme. « C’est une balle, a dit avec esprit et justesse M. Dupaty, qui, détournée de la ligne droite, frappe sur un corps étranger et arrive au but par ricochet. » L’allusion est en petit ce qu’est l’allégorie en grand ; celle-ci est un miroir, une glace fidèle, dont l’autre, en quelque sorte, n’est qu’un fragment. L’emploi de ces deux figures exige beaucoup de justesse et de clarté. Quand on fait allusion, par exemple, à l’histoire ou à la fable, il faut que le trait qu’on a en vue soit assez connu pour qu’il puisse être compris sans effort. Ainsi, quand Voltaire dit dans la Henriade :

Ton roi, Jeune Biron, te sauve enfin la vie ;
Il t’arrache, sanglant, aux fureurs des soldats,
Dont les coups redoublés achevaient ton trépas.
Tu vis : songe du moins à lui rester fidèle,

il fait allusion à la conspiration dont le maréchal Biron se rendit coupable plus tard.

Le théâtre d’Eschyle, d’Euripide et d’Aristophane, beaucoup plus libre que le nôtre, fourmille d’allusions aux événements et aux hommes de l’époque, allusions beaucoup moins fréquentes et surtout moins directes chez nous. Le théâtre moderne en a pourtant risqué quelques-unes.

On sait que c’est une allusion qui corrigea Louis XIV de la manie de figurer dans les fêtes et ballets de la cour. Racine avait osé, dans Britannicus, faire dire par Narcisse à Néron lui-même comme exprimant la pensée des Romains :

Pour toute ambition, pour vertu singulière,
Il excelle à conduire un char dans la carrière,
À disputer des prix indignes de ses mains,
À se donner lui-même en spectacle aux Romains.

Louis XIV eut le bon esprit de s’appli- quer ces vers et renonça aux succès de théâtre qu’il avait jusqu’alors obtenus.

Très-souvent l’allusion, fidèle à son étymologie, n’offre qu’un simple jeu de mots. Une allusion qui renferme une louange aussi fine que délicate, est celle que Mlle de Scudéri employa dans un impromptu qu’elle fit en voyant le prince de Condé cultiver de ses mains les fleurs de son jardin à Vincennes :

En voyant ces œillets qu’un illustre guerrier
Arrose de la main qui gagna des batailles,
Souviens-toi qu’Apollon bâtissait des murailles,
Et ne t’étonne pas que Mars soit jardinier.