Satire

  • Viollet Le Duc
  • Encyclopédie de famille

Satire se dit en général de tout ouvrage piquant, médisant, dirigé contre les personnes ou les choses, écrit soit en vers, soit en prose, soit mêlé de prose et de vers ; c’est le plus habituellement une pièce de poésie faite pour censurer les défauts, les vices, les passions ou les sottises et les impertinences des hommes, en employant le ridicule ou en excitant l’indignation. Le rire et la colère sont des moyens également permis à la satire, quand ils sont indiqués et dirigés par la raison. Les auteurs qui se livrent à ce genre de poésie sont nommés satiriques.

La satire est toute romaine ; les pièces grecques nommées satyres étaient des ouvrages dramatiques dans lesquels les divinités champêtres de ce nom remplissaient un rôle obligé. Lucilius passe pour être l’inventeur de la satire, telle que l’adoptèrent Horace et ensuite Perse et Juvénal. La satire n’aurait pas été inventée par les Romains qu’elle l’eût été par les Français, naturellement railleurs, car les premiers essais de notre poésie ont tous une teinte satirique : les fabliaux offrent mille traits piquants dirigés contre les grands, les gens de loi, les femmes et les moines. Le Gargantua de Rabelais n’est qu’une longue satire. Mais ce ne fut que dans le seizième siècle que la satire prit en France une forme déterminée. Du Bellay, donnant l’exemple et le précepte, composa une excellente satire intitulée le Poëte courtisan. En 1593, Passerat, Gillot, Rapin et quelques autres publièrent la Satire Ménippée, dont le but est tout politique. Le véritable fondateur de la satire en France est Vauquelin de la Fresnaye. Puis vinrent Regnier, qui oublia trop souvent le respect dû au lecteur, d’Aubigné, Marigny, Louis Petit, Furetière et enfin Boileau, qui les fit tous oublier. Parmi les nombreux successeurs de Boileau, quel est celui que nous puissions lui opposer ? Est-ce Voltaire, dont la verve sarcastique et sans foi n’emploie le ridicule qu’au profit de son opinion du moment ? Gilbert, mort jeune, mais dont le talent, qui n’était pas formé, ne semble être que l’écho de sa seule indignation ? Palissot, Clément, et tant d’autres encore moins connus ? Sous le Directoire, Marie-Joseph Chénier, Daru, Baour-Lormian, Colnet et Berchoux, se livrèrent avec succès à cette sorte de poésie maligne et piquante. Deux jeunes gens, Méry et Barthélémy, sous la Restauration, publièrent une suite de satires dont le mordant n’excluait pas l’élégance ; l’un d’eux, par sa célèbre Némésis, a soutenu seul, dans ces derniers temps, l’honneur de la satire, presque entièrement abandonnée.