Anecdote

  • Encyclopédie de famille

Anecdote signifie en grec ce qui n’a pas encore été publié, mis au jour. Nous attachons ordinairement à ce mot l’idée d’un récit court et amusant, d’un trait remarquable ou spirituel, d’un événement extraordinaire ou ridicule, connu ou non connu, publié ou non publié ; de là est venue l’obligation d’y ajouter le mot inédite quand ou veut exprimer l’idée que rendait seule la première acception du mot anecdote. La définition de cette idée est d’autant plus difficile, qu’elle comprend beaucoup de choses différentes : souvent le mot anecdote est pris comme synonyme d’ana. Lorsqu’une anecdote contient des détails inconnus sur un événement intéressant, ou sur la vie d’une personne remarquable, ou lorsqu’elle prend une tournure spirituelle, elle peut amuser en société ; mais cela dépend aussi de la manière dont elle est racontée, et surtout si elle l’est à propos ; en pareil cas, il peut arriver qu’une anecdote déjà racontée plusieurs fois fasse une impression encore plus agréable. On appelle par plaisanterie colporteur d’anecdotes celui qui à la moindre occasion vous importune de toutes celles que sa mémoire lui fournit ; et chasseur d’anecdotes, le voyageur qui mêle à ses descriptions toutes sortes de récits mensongers ou insignifiants.

L’histoire trouve un puissant auxiliaire dans l’anecdote. Nous prenons plaisir bien souvent à connaître les petits motifs et les petites causes des événements plutôt que les événements eux-mêmes. De là notre goût pour les Mémoires. « Je n’aime dans l’histoire que les anecdotes, dit M. Mérimée, et parmi les anecdotes je préfère celles où j’imagine trouver une peinture vraie des mœurs et des caractères à une époque donnée. Ce goût n’est pas très noble ; mais, je l’avoue à ma honte, je donnerais volontiers Thucydide pour des mémoires authentiques d’Aspasie ou d’un esclave de Périclès ; car les mémoires, qui sont des causeries familières de l’auteur avec son lecteur, fournissent seuls ces portraits de l’homme qui m’amusent et qui m’intéressent. Ce n’est point dans Mézerai, mais dans Montluc, Brantôme, d’Aubigné, Tavannes, La Noue, etc., etc., que l’on se fait une idée des Français au seizième siècle. Le style de ces auteurs contemporains en apprend autant que leurs récits. »

Trop souvent ces petits récits sont faits à plaisir. « Je crois peu aux anecdotes, et moins encore à celles de mon temps qu’à celles de l’antiquité, disait un général de l’empire ; les anecdotes ne sont presque toujours que des fictions qui dénaturent l’histoire pour faire ou défaire des réputations ; tous ces grands mots qu’on prête à tels et tels n’ont jamais été dits par eux, et pourtant ils ont été si souvent répétés, qu’ils se sont incorporés à l’histoire, à tel point qu’il serait impossible de les en détacher. Mensonges que tout cela. »

Boccace faisait déjà cette jolie comparaison : « De même que les étoiles sont l’ornement des cieux et les fleurs des prairies, les bons mots et les anecdotes à propos font l’agrément et le plaisir de la conversation. » Un auteur contemporain dit que « l’anecdote est à la vie d’un personnage historique ce que l’ombre est au dessin, le coloris à la peinture : elle accuse plus directement et met en relief un caractère dans son individualité la plus intime. » Elle n’est pas moins utile à l’éloquence : « L’anecdote est comme le repos de l’orateur et de l’auditoire, dit M. Edmond Texier ; l’anecdote, quand elle est bien placée, est comme le vin d’entremets du discours. »