Allaitement

  • Médecine
  • Marc et Andral
  • Encyclopédie moderne

Allaitement. L’enfant qui vient de naître ne peut encore se nourrir que d’aliments liquides, et la nature a préparé pour lui dans le sein maternel une nourriture qu’aucune autre substance ne saurait alors convenablement remplacer.

L’allaitement maternel, lorsqu’il est possible, est le plus salutaire soit pour l’enfant, soit pour la mère elle-même. Cet allaitement présente surtout le grand avantage que les qualités du lait se trouvent en rapport avec les forces assimilatrices de l’enfant. Le premier lait qui est sécrété, connu sous le nom de colostrum, est éminemment séreux ; il possède une propriété légèrement laxative qui favorise l’expulsion du méconium. A mesure que les organes digestifs de l’enfant acquièrent une plus grande énergie, le lait devient de plus en plus consistant et nutritif.

Les femmes qui ne nourrissent pas sont exposées plus que les autres à voir leurs seins s’enflammer et s’abcéder ; la glande mammaire, le tissu cellulaire ou les ganglions lymphatiques qui l’entourent, deviennent le siège d’engorgements qui sont souvent le germe funeste d’affections cancéreuses. En outre, la sécrétion du lait ne peut pas être brusquement interrompue avant le terme assigné par la nature, sans que d’autres organes soient menacés de devenir le siège du travail qui devait s’opérer dans les mamelles : de là la fréquence plus grande des métrites, des péritonites, chez les femmes qui ne nourrissent pas ; de là une foule de maladies que le vulgaire regarde à tort comme l’effet du lait répandu. Ce n’est pas sans raison qu’on a conseillé aux femmes prédisposées à la phthisie pulmonaire de donner à téter à leurs enfants pendant les quinze ou vingt premiers jours ; on cherche ainsi à fixer sur les mamelles une fluxion qui ne se porterait pas impunément sur les poumons.

Quelque utile que soit la lactation et pour la mère et pour l’enfant, il est cependant des cas où l’allaitement maternel cesse d’être possible. Les principales causes qui s’opposent à ce qu’il ait lieu sont un lait trop peu abondant, trop séreux, ou vicié par quelque virus ; la mauvaise conformation des mamelons, l’état de grossesse, et l’existence des menstrues, qui modifient ordinairement les qualités du lait. Une femme en proie à des émotions vives, à des passions violentes, devient incapable de nourrir : sous l’influence de ces causes morales, si communes au sein des grandes villes, le lait s’altère d’une manière non douteuse ; il peut même devenir un véritable poison pour l’enfant, produire des convulsions, de véritables attaques d’épilepsie, de funestes diarrhées.

Les femmes d’une constitution faible ne peuvent continuer à nourrir pendant quelque temps, sans tomber dans un état d’épuisement qui serait aussi fatal pour elles que pour leur enfant. Enfin il est des femmes qui, fortes et bien constituées en apparence, sont obligées de renoncer à nourrir, parce que l’enfant ne profite pas à leur sein.

La mère qui veut allaiter doit bien se pénétrer de toute 1’étendue, de toute la rigueur des devoirs qu’elle s’impose. Si les plaisirs du monde la captivent encore, si, entraînée par eux, elle abandonne souvent son enfant à des mains étrangères, qu’elle cesse de remplir une fonction dont elle n’est pas digne : mieux vaut alors une nourrice mercenaire.

Le lait par lequel on remplace le plus ordinairement le lait de femme est le lait de chèvre ou de vache. L’analyse chimique apprend que le lait d’ânesse ou de jument est celui qui, par sa composition, se rapproche le pins du lait de femme ; il semble donc que généralement cette espèce de lait conviendrait davantage à l’enfant. Il faudrait en excepter peut-être les enfants éminemment lymphatiques et scrofuleux, qui semblent se mieux trouver de l’usage du lait de chèvre. Dès les premiers temps de la naissance, le lait d’ânesse pourrait être donné pur sans inconvénient. Le lait de chèvre ou de vache au contraire doit être coupé avec une quantité de liquide d’autant plus considérable que l’enfant est plus jeune.

L’enfant peut prendre le lait soit immédiatement au pis même de l’animal, soit au biberon. On peut facilement dresser une chèvre de manière que l’enfant puisse la téter sans accident. Pris au pis, le lait a une saveur qu’il perd dès qu’il a été exposé au contact de l’air : il cesse alors d’être une liqueur vivifiante ; il semble n’être plus aussi nutritif, et se digère plus difficilement.

C’est une opinion généralement répandue, que les enfants nourris avec le lait de chèvre prennent quelque chose des mœurs de cet animal ; aucun fait bien observé ne démontre l’exactitude de cette assertion.

Si l’enfant se porte bien, on doit commencer à lui donner du lait quatre ou cinq heures après la naissance. Toutes les fois que l’enfant présente quelque symptôme de malaise, s’il est agité ou assoupi, s’il a de la fièvre, des vomissements, de la diarrhée, on doit sur-le-champ diminuer la quantité de lait qui lui est habituellement donnée. L’observation a appris que les inflammations gastro intestinales causent ou compliquent chez les enfants un grand nombre d’affections ; et chez eux, comme chez les adultes, des aliments introduits dans un estomac irrité ne peuvent qu’être funestes. Nous avons cru devoir insister sur ce point, parce que beaucoup d’enfants périssent victimes des préjugés de leurs parents ou de leurs nourrices, qui ne connaissent d’autre moyen d’apaiser leurs cris ou de calmer leurs souffrances que de les gorger de lait.