Abcès

  • Médecine
  • A. Duponchel
  • Encyclopédie moderne

Abcès. Dans l’état actuel de la science, on nomme abcès[1], toute collection de pus dans une poche circonscrite, quels que soient d’ailleurs le siège et l’origine de la matière purulente : que cette matière remplisse une cavité récemment formée, sous l’influence de la maladie, dans le tissu cellulaire ou dans un viscère quelconque ; qu’elle soit déposée dans une cavité naturelle, telle qu’une articulation, le sinus maxillaire, la caisse du tympan, le globe de l’œil, etc. ; ou bien, enfin, que dans une cavité naturelle, comme celle d’une veine, par exemple, elle occupe un espace circonscrit par des adhérences anormales. Cependant, toutes les fois qu’une quantité quelconque de pus se trouve réunie dans une des grandes cavités naturelles, comme la poitrine, l’abdomen, le crâne, elle constitue ce qu’on appelle un épanchement ; elle prend le nom d’infiltration ou de fusée quand le pus, plus ou moins abondant, est répandu entre les mailles du tissu d’une région ou d’un organe.

L’idée que fait naître généralement la présence d’un abcès est celle de la préexistence d’une inflammation : l’abcès n’est donc que le produit, que le résultat, et souvent même que la terminaison d’une maladie. Néanmoins, chirurgicalement parlant, il peut être considéré comme une maladie à part, exigeant un traitement spécial, indépendant de la cause qui lui a donné naissance.

Les abcès offrent de nombreuses variétés sous le rapport du volume, du nombre, du siège, du contenu, de la marche, etc.

Le volume peut varier depuis la grosseur d’un grain de millet jusqu’à celle de la tête, et même davantage. Plus l’abcès est volumineux, plus son diagnostic est grave. On conçoit, néanmoins, que cette proposition souffre quelques exceptions, et qu’un abcès de la cornée transparente, du globe de l’œil, du cerveau, soit toujours, malgré son peu de développement, une affection fort sérieuse.

Les abcès sont solitaires ou multiples. Dans ce dernier cas, ils se rattachent le plus souvent à une cause générale, et présentent peu de volume ; on en compte quelquefois vingt et trente chez le même individu. Les abcès multiples sont du ressort de la médecine, puisque, pour arriver à la guérison, il faut combattre la diathèse par des moyens généraux. Les abcès solitaires, plus fréquents, réclament plus particulièrement l’emploi des moyens chirurgicaux.

Les abcès peuvent naître dans tous les tissus de l’économie, à l’exception, toutefois, de l’épiderme et de ses appendices. Cette proposition est absolue, puisqu’il suffit qu’une partie soit enflammée à un certain degré (hyperphlogose, Lobstein) pour qu’il y ait sécrétion de pus. Cependant, le siège le plus ordinaire des abcès est le tissu cellulaire, et surtout le tissu cellulaire sous-cutané ; et ils sont d’autant plus fréquents dans une région que ce tissu y est plus abondant et plus lâche ; aussi est-ce au cou, à l’aisselle, à l’aine, aux environs de l’anus, qu’on les rencontre le plus ordinairement.

La richesse du réseau vasculaire favorise également la formation des abcès, mais il faut qu’à cette condition se réunisse la laxité des tissus ; et, en effet, les abcès ne se développent que très rarement dans le tissu dense et serré de la langue, malgré l’abondance des vaisseaux sanguins qui s’y distribuent.

Il résulte de tout ce qui vient d’être dit que les abcès, pouvant naître dans toutes les parties du corps, sont superficiels ou profonds, c’est-à-dire, cutanés, sous-cutanés, sous-aponévrotiques, sous-musculaires, inter-osseux, sous-osseux, etc.

Si nous envisageons les abcès par rapport à leur contenu, ils seront simples, sanguins, urineux, stercoraux, biliaires, tuberculeux, lacrymaux, salivaires, etc. Dans tous ces cas, la matière qui donne le nom à l’abcès est la cause de sa formation, et se trouve mêlée au pus.

Enfin, la marche rapide ou lente des abcès a donné lieu à une dernière division : ils sont aigus ou chroniques ; chauds, ou froids. Ces derniers sont eux-mêmes subdivisés en idiopathiques et symptomatiques ou abcès par congestion.

Les abcès aigus ou chauds se forment sous l’influence d’une inflammation intense, et dans le lieu même de l’inflammation. Les abcès froids, au contraire, se développent sourdement, lentement, et presque sans douleur, chez des sujets bien portants en apparence, mais à constitution flasque, lymphatique, souvent scrofuleuse, ou bien exposés à des travaux rudes et à des causes sans cesse renaissantes d’insalubrité.

Les bornes de cet article ne nous permettent point de nous étendre davantage ; nous nous bornerons donc à dire du traitement, qu’il doit varier selon la nature et le siège de l’abcès. Il est toutefois un principe dont il ne faut pas se départir : c’est de donner, autant que possible, issue au pus dès qu’il est formé. Dans les cas d’étranglement, dans le panaris, par exemple, il ne faut même point attendre cette formation. Quant aux moyens généraux, ce sont les antiphlogistiques dans les abcès, chauds ; les médications spéciales dans la plupart des abcès froids idiopathiques. Dans les abcès par congestion, on devra, avant tout, s’occuper de remédier aux désordres du tissu osseux.

1.

Ce mot vient du latin abscessus, lequel n’est lui-même qu’un traduction du grec άπόστημα, substantif formé du verbe άφίσταμαι je me retire, je me sépare..