Anarchie

  • Encyclopédie de famille

Anarchie (de deux mots grecs qui signifient absence de gouvernement), c’est la confusion des pouvoirs, le trouble et le désordre érigés en système. Lorsque l’autorité a cessé d’exister, que la liberté des citoyens, la sûreté des propriétés sont méconnues, alors les passions des hommes, abandonnées à elles-mêmes, enfantent le désordre, c’est-à-dire le bouleversement de toutes les garanties qu’on est en droit d’attendre d’une organisation régulière quelconque. À peine enfanté, le désordre étend son empire sur la société et la pousse sans pitié sur la pente du chaos. De tous les maux politiques, celui-là est le plus cruel, le plus effrayant dans ses résultats.

Mais l’anarchie ne se traduit pas toujours en un fait matériel. Souvent elle renonce à l’empire des choses et des hommes, pour s’introduire dans le domaine des idées. Alors elle éclate par la divergence des doctrines sociales, politiques et religieuses ; alors la terre assiste à un spectacle effrayant : lès intelligences les plus élevées comme les plus modestes affirment alternativement les principes les plus contraires, sans aucun égard, sans aucun respect pour leur passé, et cela dans le seul espoir de donner à leur vanité inquiète une base plus solide, après s’être ménagé l’appui des coteries ou des factions. À une époque aussi malheureuse, plus de critérium possible, puisque le seul critérium aux yeux de chacun est son intérêt propre. L’anarchie a ainsi deux faces : elle est ou le résultat des passions fougueuses ou mauvaises, ou le produit de certaines idées qu’aucun souffle n’a mesurées. Elle est par besoin sanglante, elle est par goût destructive de tout ordre établi. C’est dans ce dernier sens qu’est prise en général l’expression si usitée de doctrines anarchiques.

Dans tous les cas, l’anarchie, quels que soient ses résultats, ne s’était pas jusqu’à ce jour arrogé le droit de prétendre aux honneurs d’une théorie pratique et humanitaire. Il s’est pourtant trouvé un homme, ami du paradoxe, qui a prétendu que les sociétés modernes n’arriveraient à l’apogée de leur perfection que le jour où l’absence complète d’autorité se manifesterait chez elles. C’est-à-dire que n’y ayant plus de gouvernement supérieur, l’administration existerait de fait dans tous les membres du corps social, et que chacun aiderait à la marche de la société suivant ses facultés. Dans ce système l’anarchie trouve une organisation, que l’auteur appelle gouvernement proviseur, et l’on y rencontre des séries, des administrations, des compétences, des assemblées, un pouvoir enfin.

Une école de publicistes prétend que l’anarchie est inhérente au gouvernement démocratique. Mais dans toutes les espèces de gouvernements possibles, depuis le plus despotique jusqu’au plus populaire, on en trouve qui ont fomenté et produit l’anarchie.