Grêle

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Grêle. Lorsque durant l’hiver l’eau qui tombe de l’atmosphère est à l’état solide, on ne peut s’en étonner, puisqu’à cette époque une basse température présente la réunion de toutes les circonstances favorables à cette congélation ; mais que pendant la saison chaude, et surtout après des chaleurs étouffantes, une quantité énorme de glace se précipite à la surface de la terre, il est difficile d’en assigner la cause. Aussi les hypothèses que l’on a imaginées pour rendre compte de la formation de la grêle sont-elles en général peu satisfaisantes ; et bien que ce météore ne s’annonce pas avec autant de fracas que la foudre, il est cependant plus redoutable qu’elle, puisque son action, immédiatement destructive, peut à la fois attaquer une immense étendue de pays, et que, d’ailleurs, pour prévenir ses ravages nous ne possédons réellement aucun moyen qui puisse être comparé à celui qui, depuis plus d’un demi-siècle, protège nos édifices en transmettant au réservoir commun la matière du tonnerre, que nous ne saurions empêcher de s’accumuler sur les nuages.

Dans nos contrées il tombe de la grêle à toutes les époques de l’année ; mais c’est particulièrement dans les mois de mai, juin, juillet et août, c’est-à-dire lorsque la température est le plus élevée, que l’on observe de violents orages, accompagnés de grêles volumineuses. Le plus ordinairement ce fléau est circonscrit, et les désastres qu’il occasionne ne se font ressentir que dans un petit nombre de cantons ; en sorte qu’il n’est pas rare de voir, à côté d’un champ ravagé par la grêle, un autre champ qui n’en a pas éprouvé les atteintes. Cependant, de nombreux exemples montrent que dans quelques circonstances un même orage peut, sans perdre de son énergie, parcourir des espaces considérables : tel fut celui du 13 juillet 1788, qui traversa la France dans toute sa longueur et s’étendit ensuite dans les Pays-Bas et la Hollande. Une seconde particularité non moins remarquable, c’est que les terrains grêlés formaient deux bandes parallèles, séparées par un intervalle d’environ cinq lieues, où il ne tomba qu’une pluie abondante. La plus occidentale de ces deux bandes avait environ cinq lieues de large et l’autre deux lieues seulement. Les grêlons, en général, étaient fort gros ; plusieurs pesaient jusqu’à une demi-livre, et leur forme ne fut pas toujours la même : les uns étaient ronds, d’autres oblongs et hérissés d’aspérités. Cet orage, dont la durée dans chaque lieu n’excéda pas huit minutes, c’est-à-dire le temps nécessaire au passage du nuage porte-grêle, produisit en France un dégât estimé à 25 millions.

Une opinion populaire, souvent démentie par l’expérience, est que la grêle ne tombe jamais pendant la nuit. Cette erreur vient sans doute de ce qu’à ce moment de la journée l’abaissement de la température rend les orages moins fréquents que pendant la chaleur du jour. Néanmoins, il n’est pas rare de voir une grêle abondante et volumineuse tomber longtemps après le coucher du soleil. Une autre assertion, avancée dans quelques ouvrages, attribue à la grêle une densité supérieure à celle de l’eau. Ce fait, peu vraisemblable, mais facile à constater, indiquerait que dans quelques circonstances cette congélation se forme tout autrement que celle de la glace, puisque celle-ci surnage toujours lorsqu’on la met dans l’eau.

Longtemps les physiciens ont prétendu rendre compte de la formation de la grêle en supposant qu’elle tombait des régions les plus hautes et, par conséquent, les plus froides de l’atmosphère. Son volume était d’abord peu considérable ; mais en traversant les couches d’air voisines de la terre il augmentait graduellement, chaque petit grêlon s’emparant de la vapeur qu’il trouvait sur son passage, jusqu’à ce que sa température ne fût plus assez froide pour continuer à opérer ce genre de congélation. De nos jours, cette théorie ne saurait être sérieusement proposée ; car on est certain que les nuages qui fournissent la grêle sont en général peu élevés, et par conséquent fort distants de ce que les anciens avaient nommé la région des glaces. De plus, on s’est assuré qu’ils sont puissamment électrisés, et que les grêles les plus fortes sont toujours accompagnées de violents coups de tonnerre. Enfin, peu de moments avant celui qui précède la chute des grêlons on entend dans la nuée un bruit particulier, une sorte de craquement, que l’on a comparé à celui que produiraient des pois secs qu’on agiterait dans un crible.

L’apparence que présentent les grêlons n’est pas toujours la même ; le plus souvent on remarque à leur centre un petit flocon de neige spongieux, qui est recouvert de couches concentriques ayant la diaphanéité de la glace. Cette disposition semblerait indiquer que le noyau et l’extérieur de ces sortes de grêlons ne se forment pas de la même manière. D’autres fois, autour du centre neigeux on remarque des couches alternativement diaphanes et opaques ; enfin, dans quelques circonstances fort rares, le noyau opaque n’existe pas, et les grains, qui sont fort petits, sont d’une transparence parfaite ; ce qui porterait à croire qu’ils sont dus à la congélation subite des gouttes de pluie qui, en traversant l’atmosphère, ont été saisies par un froid intense.

Volta a cherché à donner de ce météore une théorie qui fût d’accord avec l’ensemble des conditions dont il est accompagné. Or, suivant cet illustre physicien, la formation de la grêle dépend d’une action mécanique dont l’électricité est le principal agent. Deux nuages, situés l’un au-dessus de l’autre et inversement électrisés, attirent et repoussent tour à tour les gouttes d’eau qui se trouvent dans l’intervalle qui les sépare. Ce mouvement, semblable à celui que prennent des balles de moelle de sureau placées entre deux conducteurs chargés d’électricités contraires, produit dans ces petites masses de liquide une évaporation d’où résulte un refroidissement qui amène la formation du noyau ; et comme sa température peut, pour ainsi dire, baisser indéfiniment, la vapeur avec laquelle il se trouve en contact, l’enveloppe et augmente son volume jusqu’à l’instant où son poids, devenu supérieur à l’action électrique, lui fait crever la nuée inférieure et le force de se précipiter à la surface de la terre. Outre le mode d’accroissement que nous venons de décrire, il est certain que les grêlons les plus volumineux sont formés par la réunion de plusieurs grains qui se réunissent, soit durant l’espèce d’oscillation qui les porte alternativement vers l’un et l’autre nuage, soit pendant qu’ils traversent l’atmosphère pour se rendre à la surface de la terre : dans l’un et l’autre cas on observe des noyaux distincts.

Lorsque l’on examine avec attention la théorie proposée par Volta, on ne peut lui refuser d’être satisfaisante sous beaucoup de rapports ; aussi est-on obligé de la regarder comme une explication ingénieuse, à laquelle cependant on peut faire plus d’une objection réellement insoluble, mais dont le développement nous entraînerait au delà des limites dans lesquelles nous devons nous renfermer. A cet égard on trouvera dans une notice publiée par M. Arago les détails que nous sommes forcé d’omettre.