Aimant

  • Encyclopédie de famille

Aimant. On donne ce nom à une espèce de mine de fer qui a la propriété d’attirer le fer, l’acier, le cobalt et le nickel. Presque toutes les mines de fer qui ne sont pas entièrement saturées d’oxygène jouissent de cette propriété.

On distingue deux sortes d’aimants, les aimants naturels et les aimants artificiels.

L’aimant naturel est d’une texture compacte et granuleuse, d’une couleur gris d’acier, un peu plus foncé et tirant sur le noir quand il est réduit en poudre. Sa cassure, souvent inégale, est lamellaire, écailleuse, conchoïde ou grenue. L’aimant est une substance très abondamment répandue à la surface de la terre. Il forme une montagne entière dans le Smoland, en Suède ; il se trouve dans un grand nombre de localités du même royaume, dans la Norvège, le Piémont et aux Etats-Unis d’Amérique, intercalé en couches puissantes dans diverses roches anciennes stratifiées. Le gisement le plus remarquable est celui de Danemora, en Suède, où le banc d’aimant a quelques trentaines de mètres d’épaisseur. On le trouve aussi en veines, en nids, en rognons et en particules très fines.

Lorsqu’on roule un aimant dans de la limaille de fer, on observe que cette limaille s’accumule et s’attache principalement vers deux points opposés de sa surface. Ces deux points ont reçu les noms de pôles de l’aimant. Le fer est attiré également par l’un et l’autre pôle ; mais ce qui est fort singulier, c’est que deux aimants s’attirent par deux de leurs pôles, et se repoussent par les deux autres : ce qu’on exprime en disant que les pôles de même nom se repoussent, et que les pôles de nom contraire s’attirent. L’action des aimants s’exerce à une certaine distance.: si l’on suspend une petite aiguille de fer à un fil de soie non tordu, et qu’on lui présente un des pôles d’un aimant à distance, on observe qu’elle est attirée par cet aimant. Aucune substance interposée entre une aiguille ainsi suspendue librement et un aimant ne peut neutraliser ou diminuer l’action de celui-ci, qui a lieu aussi bien dans le vide qu’à l’air. Si l’on met un aimant sous un plateau de verre, de carton, ou de toute autre matière non attirable par l’aimant, et si l’on répand ensuite de la limaille de fer sur le plateau, les grains se disposent en ordre et forment des lignes courbes qui aboutissent à deux points du plateau, sous lesquels répondent les pôles de l’aimant. Cette singulière propriété qu’ont les aimants d’agir à travers les substances étrangères, permet de les cacher pour faire des tours d’adresse. Entre les pôles d’un aimant, se trouve une ligne ou limite imaginaire sur laquelle la limaille de fer ne s’attache point ; cette ligne s’appelle ligne moyenne, ligne neutre ou équateur. En coupant l’aimant par cette ligne, chacune des deux portions acquiert un nouveau pôle de nom contraire à celui qu’elle avait déjà, et forme un aimant parfait.

Nous ignorons complètement la nature de la substance qui produit les phénomènes magnétiques, comme nous ignorons celle de la chaleur, de la lumière, de l’électricité. Pour expliquer les phénomènes magnétiques, les physiciens ont recours à une hypothèse fort simple, la même qu’ils ont adoptée pour rendre raison des phénomènes électriques ; ils supposent qu’il existe dans les aimants deux fluides différents, que nous désignerons, l’un par A, et l’autre par B, et ils disent que les molécules du fluide A se repoussent mutuellement, et qu’elles ont de la sympathie, de l’affection pour celles du fluide B, lesquelles se repoussent aussi mutuellement. Le fluide A se porte vers l’un des pôles, et le fluide B vers le pôle contraire. Suivant la même hypothèse, tous les barreaux de fer, de nickel, etc., possèdent les deux fluides magnétiques ; et s’ils n’ont pas la faculté d attirer la limaille de fer, cela vient de ce que les deux fluides A et B sont combinés entre eux dans ces barreaux, et que leurs forces se neutralisent réciproquement. Mais si, par un moyen quelconque, on parvient à séparer les deux fluides, le barreau manifeste les vertus magnétiques. Ces principes étant admis, il est très facile d’expliquer pourquoi un aimant, sans rien perdre de ses vertus, peut les communiquer à un barreau de fer mis en contact avec l’un de ses pôles. Le fluide qui se trouve vers le pôle de l’aimant avec lequel on touche le barreau repousse le fluide qui est de même espèce que lui, et il attire l’autre fluide qui est de nature différente, de manière que les deux fluides, qui étaient combinés entre eux dans le barreau, se séparent et se portent vers ses extrémités, l’un d’un côté, et l’autre de l’autre. Le barreau se trouve doué de deux pôles comme l’aimant, et il a, comme, lui, la propriété d’attirer le fer ; mais si ce barreau est de fer doux et bien pur, il perd ses propriétés magnétiques aussitôt qu’on l’éloigne de l’aimant, par la raison que les deux fluides, se retrouvant en liberté, se combinent entre eux comme auparavant.

Le barreau de fer qui est suspendu à l’un des pôles d’un aimant a la propriété d’en soutenir un second, celui-ci un troisième, et ainsi de suite, tant que le poids total de ces barreaux n’excède pas la force d’attraction dont jouit l’aimant. Cela se conçoit facilement : l’aimant ayant disjoint les fluides du premier barreau, celui-ci décompose à son tour les fluides combinés du second barreau, lequel agit de la même manière sur le troisième, etc.

Le fer est à l’aimant ce que les corps pesants sont à la surface de notre globe. Comme pour l’attraction de la terre, la force attractive de l’aimant décroît à mesure que la distance augmente. Du reste l’attraction est réciproque, et le fer attire autant l’aimant qu’il est attiré par celuici. La force attractive n’est pas égalé dans toutes les parties de l’aimant ; elle est à peu près nulle à la ligne moyenne.

Pour communiquer les vertus magnétiques à un barreau de fer, il faut le frotter, à plusieurs reprises, à partir du milieu alternativement, avec l’un des pôles d’un aimant, en ayant soin de ne frotter le barreau qu’en allant toujours dans le même sens ; en retournant en arrière, l’aimant détruirait l’effet qu’il aurait produit en allant. Cette manière d’aimanter s’appelle la méthode de la simple touche. La méthode de la double touche a plus d’efficacité, et s’opère avec deux aimants que l’on frotte à la fois à partir du milieu du barreau, l’un d’un côté et l’autre de l’autre. Les extrémités du barreau ainsi aimantées prennent des pôles de noms différents de ceux des aimants qui les ont frottées. Les aimants dont on se sert pour communiquer les propriétés magnétiques ne perdent que peu ou point de leur force, de façon qu’avec un seul aimant on peut communiquer le pouvoir magnétique à un nombre indéterminé de barreaux de fer, lesquels, réunis en faisceau, forment un aimant d’une très grande force : cet appareil s’appelle magasin magnétique.

Le fer devient magnétique quand on le bat à froid ou qu’on le tord, et aussi lorsqu’il est soumis à un courant électrique. Le fer doux s’aimante facilement, mais il conserve peu de temps les propriétés magnétiques. L’acier trempé, au contraire, acquiert plus lentement et conserve plus longtemps les vertus magnétiques. L’aimantation ne change point le volume des corps. Le fer rougi à blanc perd toutes les propriétés magnétiques dont il pouvait jouir auparavant. Lorsque l’aimantation, par une cause quelconque, n’est pas bien faite, il se forme des points conséquents. On appelle de ce nom les pôles qui se forment entre les deux pôles extrêmes.

L’expérience a démontré que les aimants conservent plus longtemps leurs propriétés et que même ils acquièrent plus de force lorsqu’ils sont enveloppés de limaille de fer. Cette observation a fait naître l’idée des armatures. On nomme ainsi des lames de fer doux que l’on applique sur les pôles d’un aimant, et que l’on contourne de manière que deux de leurs extrémités se terminent sur un même plan, de sorte que l’aimant ainsi armé semble avoir deux pieds ; le tout est couvert d’une enveloppe de cuivre et suspendu au moyen d’un anneau. Chacune des extrémités des bandes de fer doux, qui sert comme de pied à l’aimant, a les propriétés du pôle de l’aimant qui est en contact avec la bande dont elle fait partie ; une pièce de fer, qu’on appelle ancre, s’applique sur les nouveaux pôles de l’appareil, et c’est à l’ancre qu’on suspend les matières dont on charge l’aimant. Quand l’aimant est artificiel, on le contourne en fer à cheval, afin que ses pôles puissent s’appliquer à la fois sur un même barreau ; de cette manière, l’aimant peut supporter un poids double. La force des aimants n’est point proportionnelle à leur volume : il se rencontre de gros aimants qui ont peu de force ; en général, les petits aimants artificiels ont proportionnellement plus de force que les grands, soit naturels, soit artificiels ; on en a fait qui soutenaient cent fois leur propre poids. Si on augmente progressivement la charge d’un aimant, ses forces s’accroissent pour la soutenir jusqu’à un certain point, au delà duquel la charge tombe et l’aimant perd sa puissance.

Si une aiguille d’acier non aimantée est placée sur une pointe aiguë et disposée en équilibre, elle ne penchera pas plus d’un côté que de l’autre ; mais si on la place de la même manière après l’avoir aimantée, on observera, dans nos climats, que celle de ses pointes qui sera tournée du côté du nord s’inclinera vers la terre ; et si l’on porte la même aiguille de l’autre côté de l’équateur, l’inclinaison de l’aiguille se fera en sens contraire, ce sera la pointe tournée vers le sud qui s’abaissera. La meilleure manière de disposer les aiguilles aimantées pour faire des observations, c’est de les suspendre par leur centre de gravité à un fil de soie tel qu’il sort du cocon. Une aiguille ainsi suspendue dans nos climats se tournera vers la terre du côté du nord ; et, si on la détourne à droite ou à gauche de la direction qu’elle aura prise d’elle-même, elle y reviendra en faisant plusieurs oscillations, à la manière des pendules que l’on écarte de la perpendiculaire : de là la distinction des aiguilles aimantées en aiguilles de déclinaison et aiguilles d’inclinaison. L’aiguille de déclinaison conserve toujours sa position horizontale, parce que l’on fait l’extrémité de cette aiguille qui se trouve vers le nord plus légère que l’extrémité qui se dirige vers le sud. La direction de l’aiguille de déclinaison est très variable, suivant les lieux où on la porte, et suivant les temps. À Paris, par exemple, elle s’écarte de la méridienne de cette ville d’environ 19° 42’ vers l’ouest. En 1678 son écartement n’était que d’un degré un tiers ; elle parait se rapprocher de nouveau du méridien. On trouve sur le globe terrestre plusieurs lignes courbes sur lesquelles la déclinaison de l’aiguille est nulle ; c’est-à-dire qu’étant portée sur un point quelconque de ces courbes, elle se dirige exactement vers le nord. La direction de l’aiguille de déclinaison varie aussi de quelque chose à certaines heures de la journée. Le maximum de déclinaison a lieu de midi à trois heures du soir ; l’aiguille a repris sa première position à huit heures, puis elle demeure stationnaire toute la nuit. C’est entre les deux équinoxes de printemps et d’automne qu’ont lieu les plus grandes variations diurnes. Ces variations ne sont pas les mêmes dans tous les pays. L’aiguille aimantée est encore sujette à des variations brusques et accidentelles, qui se manifestent surtout à l’apparition des aurores boréales ; les tremblements de terre la détournent, et la foudre lorsqu’elle tombe auprès renverse quelquefois totalement ses pôles, c’est-à-dire que la pointe qui se dirigeait vers le nord se tourne brusquement vers le sud. On dit alors qu’elle affole. La boussole est une application des propriétés de l’aiguille de déclinaison.

L’aiguille d’inclinaison se construit avec une lame d’acier mince, suspendue par son centre de gravité sur un petit arbre horizontal, qui tourne sur ses deux extrémités comme une roue de montre sur ses pivots. Quand cette aiguille n’est pas aimantée, elle prend une position horizontale ; mais lorsqu’on lui a communiqué les propriétés magnétiques, elle s’incline vers la terre du côté du nord, ou du côté du midi, suivant qu’elle est portée en deçà ou au delà d’un cercle qui se trouve dans le voisinage de l’équateur terrestre, et qu’on appelle équateur magnétique, parce que l’aiguille d’inclinaison, étant portée sur un point quelconque de ce cercle, prend une position parfaitement horizontale. Dans tout autre lieu de la terre elle s’incline plus ou moins. Il existe à coup sûr des pôles magnétiques, où elle se tiendrait verticalement. L’équateur magnétique est fort irrégulier : il forme plusieurs coudes, puisqu’il coupe l’équateur terrestre en quatre endroits différents. Pour que l’aiguille d’inclinaison agisse en toute liberté, il faut la diriger suivant le méridien magnétique, dont la direction est indiquée par l’aiguille de déclinaison. L’aiguille d’inclinaison, aussi variable que l’aiguille de déclinaison, n’est pas à beaucoup près d’une aussi grande utilité, parce que ses variations ne sont ni régulières ni constantes. Deux aiguilles s’inclinent différemment dans le même temps et dans le même lieu. On évaluait l’inclinaison magnétique à Paris en 1831 à 67° 40’ ; en 1858, à 66° 16’ ; en 1859, à 66° 15’.

L’inclinaison de l’aiguille aimantée augmente avec la latitude. Les voyageurs qui ont pénétré dans les régions polaires ont trouvé des inclinaisons voisines de 90°, c’est-à-dire presque verticales, mais jusqu’à présent on n’a pas rencontré le lieu où l’aiguille aimantée coïnciderait avec le fil à plomb.

Les phénomènes que les aiguilles aimantées indiquent sont attribués à l’action du globe terrestre. En effet, les physiciens supposent que les diverses masses de fer qui sont ensevelies dans les entrailles de la terre jouissent des propriétés magnétiques, et que le globe agit comme un gros aimant ayant ses pôles, l’un vers le nord, l’autre vers le sud ; qu’enfin il agit sur les autres aimants suivant les lois qui régissent les fluides magnétiques. D’où il suit que si l’on appelle les pôles de l’aimant représenté par la terre austral et boréal, et que, par analogie, on donne les mêmes noms à ceux de l’aiguille aimantée, celle de ces pointes qui se tournera vers le nord portera le nom de pôle austral, et le pôle boréal de la même aiguille se tournera vers le sud.

C’est encore, dit-on, à l’influence du globe terrestre qu’il faut attribuer les vertus magnétiques qu’acquièrent avec le temps, ainsi que Gassendi l’a remarqué le premier, les croix des clochers et les barres de fer disposées verticalement pendant un certain temps. Dans nos climats le fluide du pôle boréal de la terre attire vers celle-ci le fluide de nom contraire de la barre de fer, et il repousse l’autre qui est de même nature que lui, de façon qu’à la longue la barre acquiert les propriétés d’un aimant.

Les Égyptiens et les Grecs employaient l’aimant en médecine sous forme d’emplâtre ou de poudre auxquels ils attribuaient des propriétés merveilleuses. Ces préparations sont complètement abandonnées aujourd’hui. On a imaginé de nos jours l’usage de plaques aimantées, qui, par les courants électriques qu’elles déterminent au travers des organes dans le voisinage desquels elles sont appliquées, peuvent apporter un soulagement réel dans une foule de maladies nerveuses. Quant aux bagues aimantées, que quelques personnes portent au doigt pour prévenir la migraine, elles n’ont sans doute d’action que sur l’imagination des malades.