Abordage

  • Encyclopédie de famille

Abordage. On nomme ainsi le choc de deux vaisseaux qui se heurtent. Avant l’invention de la poudre, c’était presque la seule façon de combattre sur mer. Les anciens abordaient un navire et allaient sur lui à toutes voiles ou à force de rames, et tâchaient de lui enfoncer dans le côté une forte pointe de métal, fixée à cet effet à la proue du bâtiment. La forme moderne des gros vaisseaux, auxquels on donna beaucoup de rentrée, rendit les abordages difficiles et dangereux ; ils ne pouvaient plus guère avoir lieu qu’entre de petits bâtiments, ou par surprise de la part d’un petit bâtiment contre un autre d’une force supérieure.

Lorsqu’un capitaine, confiant dans la valeur de son équipage, espérant neutraliser par la bravoure et l’adresse l’habileté supérieure de l’ennemi dans les manœuvres et l’agilité de son bâtiment, se détermine à tenter l’abordage, il choisit pour l’attaque des hommes expérimentés. Ces hommes s’arment promptement de sabres, de pistolets et de haches d’armes. Si l’ennemi refuse l’abordage et manœuvre pour l’éviter, on s’efforce de le joindre. On court à l’abordage en dirigeant son vaisseau de manière à opérer l’abordage de franc étable, c’est-à-dire de manière à atteindre le bâtiment ennemi par le devant en droiture ; ou bien on cherche à exécuter l’abordage en belle, en enfonçant l’éperon de son navire dans le flanc du vaisseau abordé. Dès qu’on est parvenu à joindre le vaisseau ennemi, on tâche de l’accrocher en jetant dans son gréement les grappins d’abordage. Ces grappins sont de forts crochets de fer à plusieurs branches attachés à une chaîne tenue par un gros cordage, et suspendus au bout des basses vergues, d’où on les lance sur le vaisseau ennemi. Si celui-ci ne parvient pas à se dégager, les deux bâtiments restent accrochés : l’abordage devient exécutable. Les assaillants jettent encore du gaillard ou des passavants des grappins plus légers, dits grappins à main, sur le vaisseau ennemi. On vide les canons par une dernière décharge ; on ferme les sabords, de crainte que l’ennemi n’y pénètre ; et on s’élance sur le vaisseau abordé. Mais différents obstacles arrêtent l’ardeur des assaillants. L’espace plus ou moins large qui sépare le haut des deux bâtiments, le roulis, le danger d’être écrasé en tombant entre les deux bords, enfin les efforts de l’équipage abordé, qui défend l’abordage avec le fusil, la baïonnette, des piques, des sabres, etc., retardent toujours l’invasion du pont du navire abordé, et réussissent quelquefois à l’empêcher. Il faut donc commencer par nettoyer le pont du bâtiment attaqué à l’aide de la mousqueterie et des grenades qu’on y lance. Lorsqu’on a pu chasser l’ennemi au pont, on s’y précipite, et on le poursuit, soit sur l’autre gaillard et sur les passavants, soit dans les entre-ponts où il s’est réfugié. Le combat corps à corps devient sanglant ; l’avantage peut être longtemps disputé, et les assaillants peuvent encore être repoussés sur leur bord avec perte. Les peuples renommés par leur intrépidité, les Français par exemple, ont souvent cherché dans l’abordage le moyen de compenser l’infériorité du nombre ou celle de l’art et de l’expérience. La marine française compte de fameux combats à l’abordage.

On appelle encore abordage le choc de deux vaisseaux non ennemis, qui a lieu sous voiles ou sous vapeur, par la mauvaise manœuvre de l’un d’eux ; ou la nuit et dans les. temps de brouillard, et quelquefois aussi, dans un calme parfait, par le simple effet des courants, sans qu’il y ait faute de part ni d’autre. De pareils accidents entraînent souvent de graves avaries. Le Code de Commerce distingue : 1° si l’abordage est le résultat d’un cas fortuit, et il n entraîne aucun droit de répétition pour le navire qui l’a éprouvé ; 2° s’il a eu lieu par la faute de l’un des capitaines, et en ce cas c’est à celui-là à le réparer ; 3° enfin, s’il y a incertitude sur la cause de l’abordage : alors les avaries doivent être réparées à frais communs. Pour éviter les abordages, un ordre de l’amirauté du 1er mars 1852 en Angleterre, un décret présidentiel du 17 août 1852 et un décret impérial du 28 mai 1858 en France ; ont prescrit l’emploi, pendant la nuit, et le jour en temps de brume, de feux sur les navires, blancs en tête du mât de misaine, verts à tribord, rouges à babord. La plupart des puissances maritimes ayant acquiescé au règlement adopté par la France et l’Angleterre, ces mesures sont devenues une espèce de loi internationale.