Ancre

  • Marine
  • J. T. Parisot
  • Encyclopédie moderne

Ancre. Instrument de fer qui, en s’accrochant au fond de la mer, dans les petites profondeurs, retient un vaisseau contre l’effort du vent ou des courants, et empêche ainsi qu’il ne s’éloigne du lieu où l’on veut l’arrêter.

Tout le monde connaît la forme d’une ancre. On appelle verge ou tige la principale partie de l’ancre, c’est-à-dire celle qui s’étend en ligne droite d’une de ses extrémités à l’autre. A un bout de la verge est un gros anneau, qu’on appelle organeau : c’est sur cet organeau qu’on amarre le câble au moyen duquel l’ancre arrête le vaisseau. A l’autre bout de la verge se trouvent deux branches appelées bras ; leurs extrémités, façonnées en pelle ronde et pointue, se nomment les pattes de l’ancre, et la pointe qui les termine, bec ; la partie où les bras et la verge se joignent s’appelle la croisée de l’ancre. De toutes les parties de l’ancre, la plus importante est la pièce de bois qu’on nomme jas, et qui se trouve presque au haut de la verge au dessous de l’organeau. C’est la position du jas, dans un plan perpendiculaire à celui des bras, qui force l’ancre à s’accrocher au fond par une de ses pattes. En effet, l’ancre, qui est suspendue par l’organeau, étant abandonnée à son poids, tombe d’abord sur la croisée ; la verge ; qui ne peut rester dans une position verticale, s’abat naturellement, de manière à ce que, s’il n’y avait point de jas, ou s’il était placé dans le même plan que les bras, l’ancre se trouverait à plat sur le fond, et le vaisseau la traînerait, sans qu’elle pût s’accrocher ; mais, dans le mouvement que fait la partie supérieure de l’ancre pour s’abattre, un des bouts du jas rencontre le fond, et comme la traction exercée sur l’organeau ne permet pas au jas de demeurer dans cette position, il tombe à son tour à plat, et faisant faire un quart de révolution à la verge, oblige un des becs à mordre sur le fond.

Les navires ont plusieurs ancres : sur les vaisseaux, frégates et autres grands bâtiments ; elles sont au nombre de six et quelquefois de sept, de poids différents. La plus forte porte les noms de grande ancre ou maîtresse ancre ; on l’appelle aussi vulgairement ancre de miséricorde. La maîtresse ancre d’un vaisseau de 74 canons pèse environ 4,000 kilogrammes. Pour la manière de jeter l’ancre et de la lever.

L’usage de l’ancre remonte à la plus haute antiquité, et l’on s’en est presque toujours servi dans sa forme actuelle. Cependant, depuis quelques années, on a commencé à employer des ancres construites sur divers modèles nouveaux ; mais l’usage d’aucune de ces ancres n’est encore assez généralement adopté pour que nous croyions devoir en donner ici la description.


— Une fois l’ancre jetée, le navire s’éloigne le plus possible du lieu où elle est tombée. En effet, on doit désirer que le câble approche le plus possible de la direction horizontale, afin qu’il tire la verge de l’ancre dans un sens parallèle au fond. Dans cette position, il faudrait, pour que le navire chassât, c’est-à-dire changeât de place, en entraînant l’ancre après lui, que celle-ci coupât le sol, le fendît, comme ferait une lame tranchante, sur une épaisseur égale à la quantité dont la patte est enfoncée. Si, au contraire, le câble est trop court, si le navire est trop à pic sur l’ancre, l’ancre, soulevée par la traction, est exposée à pirouetter et à lâcher prise.

Souvent une seule ancre ne suffit pas. Le navire, ainsi mouillé, tourne autour d’elle à mesure que le vent ou la marée changent de direction. Cet évitage continuel, outre qu’il demande un grand emplacement, diminue la résistance du sol où l’ancre a mordu, en forçant la patte à tourner sans cesse sur elle-même dans son trou ; enfin, il risque d’user le câble et de l’entortiller autour de quelque partie de l’ancre, ce qui change le mode de traction et diminue la solidité de la tenue. Pour éviter ces inconvénients, on affourche le navire sur deux ancres, de manière qu’elles contre-tiennent le navire, et que les deux câbles travaillent chacun de son côté.

On désigne les ancres sous divers noms, suivant leurs usages ; ancre de flots, ancre de jusant, ancre d’affourche, ancre à jet, ancre de miséricorde, et sur chacune on grave le chiffre de son poids total.