Alliages

  • Chimie
  • H. Dézé
  • Encyclopédie moderne

Alliages. On appelle ainsi les composés qu’on obtient en combinant les métaux les uns avec les autres. Quand le mercure est l’un des métaux combinés, l’alliage prend le nom d’amalgame.

On peut considérer les alliages comme de nouveaux métaux, créés par l’industrie humaine, avec des propriétés spéciales que n’offrent pas, au même degré ou avec la même économie, les métaux naturels. Ainsi, nous fabriquons un métal, ductile comme le cuivre, mais plus fusible, moins coûteux ; ainsi, nous augmentons par alliage la dureté de l’argent et nous le rendons propre à la confection des monnaies, etc.

Les alliages ne résultent pas, en général, d’une combinaison atomique des éléments ; il semble que les métaux qui leur donnent naissance peuvent s’allier entre eux en toutes proportions ; car, en fondant un mélange de métaux, on obtient toujours un composé solide, quelles que soient les quantités respectives des composants. Pourtant, plusieurs faits tendent à faire croire que les alliages sont soumis à la loi des proportions définies : tel est celui qu’on observe souvent quand un alliage fondu se refroidit ; il se forme alors, dans la masse, deux ou plusieurs couches distinctes qui contiennent les métaux combinés dans des proportions déterminées : telle est encore l’élévation de température qui se produit généralement, dans la formation de l’alliage. On peut citer enfin, à l’appui de cette opinion, une observation remarquable de Rudberg. Dans des expériences sur le refroidissement des alliages fondus, ce physicien a constaté que le thermomètre indiquait deux fois une température stationnaire ; s’arrêtant une fois à un point commun à tous les alliages, composés des mêmes métaux, et une autre fois à un point qui variait avec les proportions de ces métaux. Des alliages de plomb et d’étain, par exemple, ont été portés à la température de 320 degrés ; on a mesuré les durées du refroidissement de 10 en 10 degrés, et on a trouvé que le thermomètre restait longtemps stationnaire au même point 187 degrés, et cela dans tous les alliages essayés. Mais, outre ce point d’arrêt, dont la position ne dépend pas, comme on voit, des proportions du mélange, le thermomètre s’arrête une seconde fois ; par exemple, pour l’alliage Pb 3 Sn entre 290 et 280 degrés ; pour Pb 2 Sn entre 280 et 270 degrés, etc. Un seul composé, Pb Sn 3, fait exception à cette règle ; il se refroidit régulièrement et ne présente qu’un seul point stationnaire, qui est, comme nous l’avons dit, à 187 degrés. Il faut donc admettre que, pour tous les alliages de plomb et d’étain, autres que celui-là, il y a deux points d’arrêt où le thermomètre est stationnaire, l’un étant fixe à 187 degrés et l’autre mobile : ce dernier se montre toujours d’autant plus haut que le mélange, par un excès d’un des métaux, s’éloigne plus de Pb Sn 3. — Ces expériences, répétées par Rudberg sur des alliages de bismuth et d’étain, de zinc et d’étain, de zinc et de bismuth, sont conduit au même résultat.

On doit conclure de ces observations que, si l’on mélange deux métaux dans une proportion quelconque, il se forme toujours d’un des métaux et d’une partie de l’autre une combinaison intime, composée dans un rapport simple atomistique. C’est cette combinaison que Rudberg appelle alliage chimique ; la masse fondue n’est ainsi qu’une dissolution de l’alliage chimique dans le métal qui se trouve en excès.

Quand les métaux en fusion sont précisément dans les proportions qui constituent la combinaison définie, la masse se refroidit régulièrement jusqu’à la température de sa solidification, et cette température donne le point fixe. Mais si le mélange contient un des métaux en excès, cet excès qui, dans les températures élevées, était liquide et, dans cet état, mêlé avec l’alliage chimique, se solidifie, pendant le refroidissement, dégage sa chaleur latente et produit par là le premier retard du thermomètre. Le métal solidifié reste dans l’alliage chimique encore fluide ; et c’est celui-ci qui, en passant à l’état solide, occasionne le second point stationnaire qui a toujours lieu à la même température.

Rudberg a observé un fait qui confirme l’explication précédente : en versant sur un corps froid un alliage en fusion, il a remarqué des circonstances différentes dans la solidification, suivant que tes métaux alliés étaient ou non dans les proportions précises de l’alliage chimique : dans le dernier cas, l’alliage ne reste pas parfaitement fluide jusqu’à sa congélation ; il prend l’aspect d’un mortier et devient, à mesure qu’il se refroidit, de plus en plus difficile à remuer. Ce phénomène n’a pas lieu avec l’alliage chimique.

Les observations que nous venons de rapporter prouvent, comme nous le disions, que les combinaisons des métaux sont soumises, comme toutes les autres, à la loi des proportions définies ; si l’on peut allier les métaux, en proportions quelconques c’est que les composés qu’on forme ainsi ne sont pas de véritables combinaisons, mais de simples mélanges d’un des métaux en excès avec un composé défini, avec un alliage chimique. Les alliages offrent ainsi une constitution analogue à celle des acides aqueux qui ne sont autre chose, comme nous l’avons dit ailleurs, que des dissolutions aqueuses d’un hydrate défini.

Ces considérations étaient nécessaires pour bien faire entendre la nature chimique des alliages. Examinons maintenant les propriétés générales qu’ils nous présentent.

Les alliages sont tous doués de l’éclat métallique, tous (à l’exception des amalgames) solides. Ils sont, en général, plus durs, moins ductiles que les métaux qui les composent. Voici, à cet égard, ce qui résulte de l’observation :

Les métaux cassants, en se combinant entre eux, donnent des alliages cassants et, par conséquent, sans usage dans les arts. L’arsenic, l’antimoine, le bismuth sont dans ce cas.

Les alliages des métaux cassants avec les métaux ductiles sont ordinairement cassants, surtout lorsqu’il y a excès des premiers. Ainsi, les composés d’arsenic et de cuivre, d’antimoine et d’argent, d’antimoine et de fer, etc., sont aigres et cassants.

Les alliages de métaux ductiles sont le plus souvent ductiles : l’or et l’argent, l’or et le cuivre, l’argent et le cuivre, etc., fournissent des alliages qu’on travaille avec facilité.

La chaleur modifie, sous ce rapport, les propriétés des alliages : un alliage ductile à froid est souvent cassant à une température plus ou moins élevée. Cela a lieu lorsque l’un des mélaux alliés, fusible à cette température, tend à se séparer. Le laiton, composé de cuivre et de zinc, offre un exemple de ce fait : il est très ductile à froid et devient cassant à chaud.

La pesanteur spécifique des alliages est tantôt plus grande, tantôt moindre que la pesanteur spécifique moyenne des métaux qu’ils contiennent. Ainsi, les alliages binaires de cuivre et zinc, de cuivre et étain, d’argent et plomb, etc., ont une densité qui surpasse la moyenne des densités des composants ; le contraire arrive dans les alliages d’or et argent, d’or et cuivre, d’argent et cuivre.

Il est également difficile de prévoir le degré de fusibilité d’un alliage, d’après le degré de fusibilité des métaux qui le constituent : en général, l’alliage est moins fusible que le métal le plus fusible ; mais quelquefois il l’est davantage ; exemple : l’alliage fusible de Darcet ; cet alliage, composé de huit parties de bismuth, cinq de plomb, et trois d’étain, fond à la température du bain-marie.