Antes
- Histoire
- Alfred Maury
- Encyclopédie moderne
Antes. C’est le nom d’une des branches de la grande nation des Slaves. Cette nation puissante, dont les divers rameaux étaient répandus sur toute la contrée qui s’étend de la Russie méridionale aux bords de l’Elbe et du Danube, se divisait, au sixième siècle, en deux peuples principaux, les Vénèdes ou Vindes et les Antes. Telle est du moins la division adoptée par les géographes et les historiens byzantins : elle comprenait, sinon la totalité des populations slaves, au moins toutes celles qui étaient en relation avec les Grecs. Les Antes habitaient, d’après Jornandès, De Reb. Get., c. 5, le pays compris entre le Dniester et le Dnieper, sur les côtes de la mer Noire, là où cette mer forme un sinus. Suivant Procope, Bell Goht., c. 18, p. 54-55, ils s’étendaient jusqu’à l’Ister ou Danube ; et en 527 on voit par cet historien qu’ils étaient voisins des Huns, et qu’ils confinaient le territoire des Vendes ou Wendes, auquel le Danube servait également de limite. Les Antes formaient une population fort nombreuse, et ils passaient, suivant Jornandès, pour la plus brave de toutes les nations slaves. Procope, qui distingue les Antes des Wendes, dit qu’autrefois ces deux peuples portaient le nom commun de Σπόροι, dont il veut trouver l’étymologie dans le mot grec Σποράδην, parce que, ajoute-t-il, ils vivaient répandus çà et là. Il est inutile de faire remarquer que, si l’assertion de Procope n’a rien que de très plausible, son étymologie est tout à fait dénuée de fondement, attendu qu’on ne doit pas demander an grec l’origine d’un nom slave. Le mot Σπόροι n’est que l’altération évidente de Σβόροι, Sbr, Sebr, Serbes, nom qui paraît, en effet, avoir été celui que se donnaient anciennement les peuples slaves, qui ne reconnaissaient pas celui de Vened, Windi, Wendes, que leur avaient imposé les nations voisines et qui fut adopté par les Grecs et les Romains. Quoique constituant deux nations distinctes, les Antes et les Windes ou Slaves, qui appartenaient ainsi à la même race, se confondirent souvent en un seul peuple aux yeux des Grecs ; et l’on voit figurer le nom de Slaves dans les écrits de l’empereur Maurice, de Jean de Biclar, de Ménandre, là où, chez Agathias, on rencontre celui d’Antes. Ce dernier nom n’était pas non plus accepté par ce peuple lui-même, et il y a apparence qu’il lui fut donné par les Goths.
Les continuelles irruptions que firent les Antes sur le territoire de l’empire d’Orient, à partir de l’année 527, valurent à ce peuple redoutable presque toute sa célébrité. En cette année même, une armée nombreuse d’Antes fut défaite par Germanus. Cette défaite ne ralentit pas leurs incursions les années suivantes ; mais la mésintelligence se mit bientôt entre eux et les Slaves ou Wendes, et suspendit pour quelque temps leurs excursions. Celles-ci reprirent ensuite avec plus de fureur, et, de 534 à 536, elles se montrèrent incessantes. En 546, Justinien envoya une ambassade aux Antes, pour leur proposer, s’ils voulaient faire la paix avec lui et le défendre contre les incursions des Huns et des Bulgares, de leur abandonner la ville de Turris qu’avait bâtie Trajan, sur la rive gauche du Danube (c’était probablement Turna, à l’embouclmre de l’Aluta.) Cette négociation fut sans effet. Plus tard nous voyons qu’il est fait plusieurs fois mention de troupes antes à la solde des empereurs byzantins. Déjà môme l’appât du gain et l’amour des combats leur avaient, dès les premiers temps de leur apparition sur les frontières grecques, fait accepter du service dans les armées impériales. Par exemple, en 537, nous voyons les généraux Martin et Valérien conduire en Italie contre les Goths un corps de seize cents cavaliers huns, slaves et antes que l’on avait enrôlés au delà du Danube. Dix ans après, les Antes combattirent avec succès contre le même peuple, sous le commandement de Tullianus, et ils forcèrent les défilés de Lucanie. En 554 et 555, deux officiers antes, renommés par leur bravoure, Wsehrd et Drobohost, furent chargés de commandements dans l’année envoyée contre les Persans, Le dernier avait sous ses ordres la flotte du Pont. L’intrépidité et les vertus guerrières des Antes étaient tellement renommées, que leur nom se répandit dans tout l’Orient, et que les Allemands l’empruntèrent pour désigner un héros (Anta). Mais cette renommée pâlit à l’arrivée des Avares ; vainement les Antes s’opposèrent à l’invasion de ces barbares, qui venaient de soumettre les Sabires et les Koutourgours ; une partie d’entre eux furent obligés d’accepter le joug des vainqueurs, et l’ambassade qu’ils leur envoyèrent, ayant à sa tête Mezamir, et chargée d’opérer l’échange des prisonniers, semble n’avoir eu que peu de succès. En 559, les Antes et les Bulgares, que l’on confondait avec les Huns, franchirent la muraille à demi ruinée d’Anastase et semèrent partout la désolation. C’est le dernier événement dans lequel on voie encore figurer le nom de ce peuple. De nouvelles hostilités avec les Slaves et les Avares retinrent ensuite les autres dans leurs contrées ; et depuis lors, leur destinée s’est confondue avec celle des populations slaves.