Quinquina

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Quinquina. On se rappelle toujours avec le plus grand intérêt les époques principales qui ont signalé la précieuse découverte du quinquina. Il paraît, d’après la tradition la plus ancienne, que les Indiens étaient depuis longtemps en possession de ce médicament, devenu si célèbre, et dont le simple hasard leur avait manifesté les vertus ; mais ils s’obstinaient à ne point les révéler à leurs oppresseurs. L’histoire terrible des malheurs du Nouveau-Monde explique facilement cette répugnance ; d’ailleurs, il faut le présumer, des richesses de cette nature étaient peu propres à tenter l’avidité d’une armée composée d’hommes barbares et sans instruction, qui ne respiraient que le pillage et l’amour de l’or.

Ce fut seulement en 1640 qu’un événement particulier fit apprécier les avantages de cette inestimable écorce. Alors résidait à Lima un vice-roi du Pérou : Geronimo Fernandez de Cabrera, comte del Cinchon. Son épouse était en proie aux graves symplômes d’une fièvre intermittente ; aucun moyen n’avait pu en modérer l’intensité. Un Espagnol, gouverneur de Loxa, proposa aussitôt cette poudre, dont les propriétés avaient été découvertes et constatées depuis longtemps dans ce pays. Ce merveilleux remède arrêta les paroxysmes. Un semblable succès chez une personne d’un si haut rang dut singulièrement le mettre en crédit ; aussi la connaissance de ce nouveau médicament ne tarda pas à se répandre dans toute l’Espagne. Peu de temps après, les jésuites l’apportèrent en Italie, et l’on sait avec quel zèle charitable il fut distribué aux malades indigents de Rome, par les soins pieux du cardinal de Lugo, et de son médecin, Sébastien Baldo, dont la gloire est d’avoir écrit le premier sur les avantages et les propriétés médicales du quinquina. Presque aussitôt la France, l’Angleterre et l’Allemagne, etc., s’approprièrent un secours si utile et si universel.

Mais le quinquina ne tarda pas à subir le sort de toutes les découvertes modernes. Des hommes aveuglés par l’amour-propre, ou par les préjugés, s’opposèrent à son introduction dans la matière médicale ; ils motivèrent sa proscription sur quelques tentatives qui tenaient surtout à l’ignorance où l’on était des doses précises auxquelles il convenait de l’administrer. Heureusement un Anglais, nommé Robert Talbot, esprit hardi et entreprenant, encouragé d’ailleurs par l’autorité puissante de Sydenham, son contemporain, vint fixer les incertitudes sur cet objet. Il assura les bons effets du quinquina par un nouveau mode de préparation, dont Louis XIV acheta le secret ; et ce précieux remède recouvra bientôt sa première renommée. Je passe sous silence les contestations ultérieures qui s’élevèrent à ce sujet ; je ne dis rien non plus des obstacles que lui opposèrent dans la suite des médecins d’ailleurs très recommandables par leurs lumières. Lorsqu’une longue expérience a prononcé ses résultats immuables, il faut bannir les détails superflus.

Les premières recherches exactes qui aient été fournies sur l’histoire naturelle du quinquina sont dues au zèle infatigable du voyageur La Condamine. C’est néanmoins faute de n’avoir pas assez déterminé les différentes espèces dont on a fait usage jusqu’à ce jour, qu’on a publié sur sa manière d’agir tant d’opinions fausses et souvent contradictoires. En effet, les médecins administrent indistinctement les écorces qui viennent en Europe par la voie du commerce. Ils ne peuvent donc fonder leur opinion que sur des expériences entreprises au hasard. La science est infiniment redevable aux travaux de feu Mutis, directeur en chef de l’expédition botanique de Santa-Fé de Bogota, ainsi qu’à ceux de MM. de Humboldt et Bonpland, Ruiz et Pavon, auteurs de la Flore Péruvienne, ont également beaucoup contribué à dissiper la confusion répandue sur cet objet, durant le cours de leurs mémorables voyages,