Quadrumanes

  • Histoire naturelle
  • E. Desmarest
  • Encyclopédie moderne

Quadrumanes. G. Cuvier désigne sous ce nom le second ordre de sa classe des mammifères, qui correspond presque entièrement à la division des primates de Linné, et a pour caractères principaux : Membres postérieurs plus ou moins complètement impropres à la station bipède, devenant des instruments de préhension, et terminés par de véritables mains, aussi bien que les antérieurs ; tous les doigts allongés et très flexibles ; les pouces très mobiles, très écartés des autres orteils, pouvant leur être opposés et former ainsi la pince, d’où leur est venu le nom qu’ils portent. Les yeux, de même que chez l’homme, sont dirigés en avant, tantôt directement, comme chez les singes : tantôt obliquement comme chez les makis ; les mamelles sont pectorales ; la fosse temporale est séparée de l’orbite par une cloison osseuse et les hémisphères cérébraux sont composés de trois lobes dont le postérieur recouvre le cervelet : les formes générales très rapprochées de celles de l’homme, et de même l’organisation intérieure présentant avec la sienne de grands rapports, surtout dans la disposition des intestins.

Par la disposition de leurs membres les quadrumanes semblent destinés à monter aux arbres, ce qu’ils font ordinairement avec une grande agilité ; à terre leur démarche est chancelante et pénible, ils ne peuvent poser à plat leurs pieds sur le sol, et leur bassin, étroit et placé obliquement, favorise peu la solidité des membres postérieurs. Les quadrumanes n’ont pas toujours leurs quatre membres terminés par de vraies mains ; plusieurs singes américains et beaucoup de makis n’ont pas les pouces des mains autrement dirigés que les autres doigts, et les colobes, singes africains, n’ont pas de pouces aux mains antérieures.

Les quadrumanes ont pour patrie générale les zones intertropicales ; on les trouve aux mêmes latitudes, à peu près, en Amérique, en Afrique, dans l’Inde et à Java, à Sumatra, à Bornéo, aux Célèbes et à Madagascar, en un moi, dans les grandes îles de l’archipel indien ; mais aucune espèce n’a encore été trouvée dans les petites îles de l’ancien et du nouveau continent. On sait, en outre, que quelques magots, provenant probablement d’individus anciennement captifs et qui se sont acclimatés, ont été trouvés en Espagne sur les rochers arides de Gibraltar. Quoique ces animaux paraissent habiter de préférence les terrains assez peu élevés au-dessus du niveau de la mer, les lieux boisés, le bord des rivières, où la végétation est plus active, plus continue, où les fruits sont plus abondants, il en existe cependant aussi dans les parties assez élevées des cordillères de la Nouvelle-Grenade, de l’Himalaya, de la montagne de la Table au cap de Bonne-Espérance, de l’Atlas, et des frontières dè la Chine, ainsi qu’au Tibet, et par conséquent dans des lieux où la température est assez basse.

On a cru pendant longtemps qu’il n’existait pas de singes fossiles ; mais dans ces derniers temps on en a signalé plusieurs espèces, qui toutes se rapportent à la subdivision des singes proprement dits. L’Europe en compte trois : 1° le pithecus antiquus de Blainville, espèce voisine du gibbon, dont une mâchoire inférieure garnie de toutes ses dents a été trouvée à Soissons (département du Gers), dans un monticule tertiaire qui fourmille d’os de rhinocéros, de mastodontes et de dinothériums : 2° le macacus eocœnus Owen, dont un fragment de mâchoire inférieure a été rencontré à Kyssou en Suffolk, dans l’argile de Londres : 3° des dents d’une espèce encore inédite, découvertes récemment (septembre 1849) par M. P. Gervais aux environs de Montpellier. Une portion de mâchoire supérieure attribuée à une espèce de semnopithèque a été trouvée par MM. Baker et Durant dans le terrain tertiaire des monts sous-Himalayas. Enfin en Amérique M. Lund a signalé des ossements de deux singes que l’on rencontre dans les cavernes du Brésil, et qu’il rapporte, l’une au genre callitrix (c. primævus), et l’autre au genre protopithecus.

Depuis longtemps on a divisé l’ordre des quadrumanes en plusieurs groupes : les deux principaux sont ceux des singes et des makis, qui par la multiplicité des formes secondaires sont devenus deux petites familles distinctes entre lesquelles il faut placer une troisième division, celle des Ouistitis, qui n’appartiennent bien ni à l’une ni à l’autre. M. de Blainville y a joint les coléopithèques, les chéiromys et les bradypes ; mais dans ces derniers temps il en a éloigné ces derniers animaux, qu’à l’exemple de la plupart des zoologistes il réunit aux édentés.