Jacques Amyot

  • Encyclopédie de famille

Amyot (Jacques), naquit à Melun le 28 octobre 1513. Son père, pauvre artisan, dont on ignore au juste la profession, ne put lui faire donner qu’une instruction élémentaire fort restreinte, et il partit pour Paris avec seize sous dans sa poche. Là une dame le chargea de conduire ses fils au collège. Sa mère, Marguerite des Amours, lui envoyait chaque semaine un pain par les bateliers de Melun. L’étude était sa passion favorite et l’occupation de tous ses instants ; il passait les nuits à travailler et les jours à suivre les cours de grec de latin, de mathématiques, sous les plus habiles professeurs. Puis il alla étudier le droit civil à l’université de Bourges. L’abbé de Saint-Ambroise lui confia l’éducation de ses neveux, et lui fit obtenir une. chaire de grec dans la même université. Il fit ensuite l’éducation du fils de Rochetel de Sacy, beau-frère de Morvilliers. Les soins qu’il donnait à ses élèves, les travaux du professorat, ne l’empêchaient point de se livrer à ses études favorites, et à la traduction des auteurs grecs. Son début fut la traduction de Thêagène et Chariclée. Il publia ensuite une partie des Hommes illustres de Plutarque, qu’il dédia à François Ier. Ce prince l’engagea à continuer ce travail, et lui donna l’abbaye de Bellozane.

Amyot désirait depuis longtemps visiter l’Italie pour y consulter les manuscrits de la bibliothèque du Vatican ; Morvilliers, ambassadeur à Venise, l’emmena avec lui et facilita de tout son pouvoir ses savantes investigations. Odet de Selves et le cardinal de Tournon le chargèrent de présenter au concile de Trente une énergique protestation contre les prétentions de la cour papale à une puissance universelle. Avant son départ de Paris, Amyot s’était engagé à remettre au souverain pontife cette lettre singulière de L’Hôpital qui est devenue historique. Une circonstance imprévue lui donna accès dans le palais des rois. Henri II était allé visiter Marguerite de Valois dans son duché de Berry. Amyot, que ses ennemis accusaient d’hérésie, avait été obligé de chercher un asile chez un seigneur retiré dans ses terres, et moitié par reconnaissance, moitié goût, il donnait des leçons à ses fils, roi s’arrêta dans ce château ; il était accompagné de L’Hôpital, alors chancelier de la duchesse. Amyot présenta au prince des vers grecs de sa composition. « C’est du grec, dit le roi ; à d’autres ! » Et il remit le papier à L’Hôpital, à qui cette langue était familière. La réponse du chancelier fut un hommage aux talents du savant et spirituel helléniste. Henri II ne l’oublia point, et bientôt Amyot fut appelé à la cour et nommé précepteur des fils du roi. Avant achevé sa traduction des Hommes illustres de Plutarque, il la dédia au monarque. Celle des Œuvres morales ne fut terminée que sous Charles IX, auquel il la dédia également en 1560. Ce prince et ses frères appelèrent toujours Amyot leur maître.

Dès le lendemain de son avènement, Charles le nomma son grand aumônier, et de plus conseiller d’État et conservateur de l’Université de Paris. La reine douairière s’opposa vivement à sa nomination à la grande aumônerie. Le jeune prince, pour la première fois peut-être, résista aux volontés de sa mère. Elle fit venir alors Amyot pour obtenir son désistement. Dès qu’elle l’aperçut : « J’ai fait, lui dit-elle, bouquer les Guises et les Châtillons, les connétables et les chanceliers, les rois de Navarre et les princes de Condé, et je vous ai en tète, petit prestolet ! » Amyot assura vainement la reine-mère qu’il avait refusé cette dignité. « Si vous acceptez, ajouta-t-elle, vous ne viviez pas vingt-quatre heures. » Amyot insista de nouveau près de Charles pour lui faire accepter sa démission. Le roi fut inflexible. Alors Amyot cessa de paraître à la cour ; le monarque le fit chercher, mais inutilement. La reine-mère fut à la fin obligée de céder.

Charles lui donna, en 1570, les abbayes de Roche, près d’Auxerre, de Saint-Corneille à Compiègne, et enfin l’évêché d’Auxerre. L’étude était pour lui plus qu’une distraction, c’était un besoin. Il composa, à la sollicitation de la duchesse de Savoie, les vies d’Épaminondas et de Scipion, qui manquaient aux œuvres de Plutarque. Il traduisit Daphnis et Chloé, de Longus, sept livres de Diodore de Sicile, et quelques tragédies grecques. Les ligueurs l’accusèrent de favoriser les protestants de son diocèse, et même d’hérésie. Il n’échappa au massacre de la Saint-Barthélemy que parce que Charles IX l’avait fait prévenir du danger qui le menaçait. Confiné alors à Auxerre, il ne reparut à la cour que sous le règne de Henri III, et à de rares intervalles, lorsque ses devoirs comme grand aumônier l’y obligeaient. Il logeait aux Quinze-Vingts. En fondant l’ordre du Saint-Esprit, Henri III prêta serment entre les mains d’Amyot, en qualité de grand maître, dans l’église des Grands-Augustins ; puis il lui conféra cet ordre, et affecta cette décoration à la charge de grand aumônier, dispensant ceux qui lui succéderaient dans ces fonctions de faire preuve de noblesse.

Amyot rendit un grand service aux lettres en déterminant Henri III, en 1575, à former une bibliothèque d’ouvrages grecs et latins. Il eut souvent recours à cette riche collection pour perfectionner ses ouvrages. Ce fut la principale occupation de sa vieillesse à Paris et dans son diocèse. Il avait assisté aux états de Blois. Depuis, sa vie fut souvent en danger. Un jeune ligueur, nommé Férous, du village d’Egriselle, près d’Auxerre, lui mit une arme sur la gorge en pleine place de la cathédrale. Un émissaire du gardien des cordeliers excita la populace contre lui en l’appelant un méchant homme, pire que Henri de Valois. Les ligueurs, qui étaient nombreux et turbulents dans son diocèse, ne cessèrent de le poursuivre. Sa sûreté exigeait qu’il s’en éloignât ; mais Amyot tenait plus à ses devoirs qu’à la vie : dès 1589 il renonça à la charge qui l’appelait à la cour, et ne sortit plus de son diocèse. Il ne conserva de ses grands bénéfices que l’abbaye de Saint-Corneille, à Compiègne. Il visitait souvent le collège d’Auxerre, qu’il avait fait bâtir et doté. Il mourut dans cette ville le 6 février 1593. Ses ouvrages l’ont placé au premier rang des auteurs du seizième siècle. Plutarque n’a jamais eu de plus fidèle interprète.