Invisibilité

  • Dictionnaire infernal

Invisibilité. Pour être invisible, il ne faut que mettre devant soi le contraire de la lumière ; un mur, par exemple[1]. Mais le Petit Albert et les Clavicules de Salomon nous découvrent des secrets plus rares et plus importants pour l’invisibilité. On se rend invisible, par exemple, en portant sous son bras droit le cœur d’une chauvesouris, celui d’une poule noire ou celui d’une grenouille. Ou bien, disent ces infâmes petits livres de secrets stupides, volez un chat noir, achetez un pot neuf, un miroir, un briquet, une pierre d’agate, du charbon et de l’amadou, observant d’aller prendre de l’eau au coup de minuit à une fontaine ; après quoi allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez-le couvert de la main gauche sans jamais bouger ni regarder derrière vous, quelque bruit que vous entendiez ; et après l’avoir fait bouillir vingt-quatre heures, toujours sans bouger, sans regarder derrière vous, sans boire ni manger, mettezle dans un plat neuf, prenez la viande et la jetez par-dessus l’épaule gauche, en disant ces paroles : Accipe quod tibi do et nihil amplius ; puis mettez les os l’un après l’autre sous vos dents, du côté gauche, en vous regardant dans le miroir ; et si l’os que vous tenez n’est.pas le bon, jetez-le successivement, en disant les mêmes paroles jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ; sitôt que vous ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous à reculons. La possession de cet os vous rendra invisible toutes les fois que vous le prendrez entre les dents.

On peut encore, pour se rendre invisible, faire cette opération que l’on commence un mercredi, avant le soleil levé. On se munit de sept fèves noires : puis on prend une tête de mort ; on met une fève dans la bouche, deux dans les narines, deux dans les yeux et deux dans les oreilles ; on fait ensuite sur cette tête la figure d’un triangle, puis on l’enterre la face vers le ciel ; on l’arrose pendant neuf jours avec d’excellente eau-de-vie, de bon matin, avant le soleil levé. Au huitième 1 jour, vous y trouverez un esprit ou démon qui vous demandera : — Que fais-tu là ? — Vous lui répondrez : — J’arrose ma plante. — Il vous dira : — Donne-moi cette bouteille, je l’arroserai moimême. — Vous lui répondrez que vous ne le voulez pas. Il vous la demandera encore ; vous la lui refuserez jusqu’à ce qu’il tende la main, où vous verrez une figure semblable à celle que vous avez faite sur la tête ; vous devez être assuré dès lors que c’est l’esprit véritable de la tête. — N’ayant plus de surprise à craindre, vous lui donnerez votre fiole, il arrosera lui-même, et vous vous en irez. — Le lendemain, qui est le neuvième jour, vous y retournerez ; vous y trouverez vos fèves mûres, vous les prendrez, vous en mettrez une dans votre bouche, puis vous regarderez dans un miroir : si vous ne vous y voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de même de toutes les autres ; celles qui ne vaudront rien doivent être enterrées au lieu où est la tête. — Pour cette expérience, ayez toutes les choses bien préparées avec diligence et avec toutes les solennités requises….

Il y a encore de malheureux niais qui croient à ces procédés. (Voyez : Anneau).

1.

Le comte de Gabalis.