Grotesque

  • Littérature
  • Saint-Agnan Choler
  • Encyclopédie moderne

Grotesque. À l’origine des littératures, quand la comédie tente ses premières conquêtes sur la gaieté humaine, ce n’est pas par la peinture délicate des caractères humains et par la mise en relief des ridicules qui bariolent la nature morale qu’elle s’adresse tout d’abord à l’intelligence des spectateurs, trop inhabiles pour atteindre du premier élan ce but difficile ; elle a d’ailleurs affaire à des organisations trop simples, trop grossières pour apprécier dignement la valeur de ses efforts et comprendre les mérites de cette tâche ainsi remplie. Aussi prend-elle une autre voie, et cherche-t-elle dans le monde apparent les ridicules matériels, les imperfections physiques, les défauts qui frappent les yeux, afin d’en tirer ses moyens d’action sur le public dont elle ambitionne le rire. Avant que le théâtre grec arrivât à la gaieté de bon aloi qu’excitèrent Aristophane et Ménandre, la charrette de Thespis provoquait l’hilarité des paysans athéniens par le spectacle de visages barbouillés et par la représentation de divinités difformes à pieds de bouc et à visage humain. Avant que Molière mît sur la scène la nature elle-même et les vérités sérieuses ou bouffonnes cachées dans les replis de l’âme humaine, ou bien apparentes, mais si difficiles à saisir à sa surface, Turlupin, Gros-Guillaume et Gauthier-Garguille avaient étalé sur leurs tréteaux les difformités physiques et les défauts dont le ridicule grossier touche à la fois au rire, à la compassion et au mépris. Partout le grotesque précéda le comique et lui prépara les voies.