Courtinière

  • Dictionnaire infernal

Courtinière. Un gentilhomme breton, nommé M. de la Courtinière, ayant reçu un jour dans son château plusieurs seigneurs ses voisins, les traita bien pendant quelques jours. Après leur départ, il se plaignit à sa femme de ce qu’elle ne leur avait pas fait assez bon visage ; il fit sans doute ces remontrances avec des paroles peu honnêtes : la femme, d’une humeur hautaine, ne répondit rien, mais elle résolut intérieurement de se venger. M. de la Courtinière s’étant couché et dormant profondément, la dame, après avoir corrompu deux de ses domestiques, leur fit égorger son mari, dont ils portèrent le corps dans un cellier. Us y firent une fosse, l’enterrèrent, et ils placèrent sur la fosse un tonneau plein de porc salé. La dame, le lendemain, annonça que son mari était allé faire un voyage. Peu après, elle dit qu’il avait été tué dans un bois, en porta le deuil, montra du chagrin et fit faire des services dans les paroisses voisines.

Mais ce crime ne resta pourtant pas impuni : le frère du défunt, qui venait consoler sa belle-sœur et veiller à ses affaires, se promenant un jour dans le jardin du château, et contemplant un parterre de fleurs en songeant à son frère, fut pris d’un saignement de nez qui l’étonna, n’ayant jamais éprouvé cet accident. Au même instant il lui sembla voir l’ombre de M. de la Courtinière qui lui faisait signe de le suivre. Il suivit le spectre jusqu’au cellier, où il le vit disparaître. Ce prodige lui ayant donné des soupçons, il en parla à la veuve, qui se montra épouvantée. Les soupçons du frère se fortifiant de ce trouble, il fit creuser dans le lieu où il avait vu disparaître le fantôme.-On découvrit le cadavre, qui fut levé et reconnu par le juge de Quimper-Corentin. Les coupables, arrêtés, furent condamnés, la veuve (Marie de Sornin), à avoir la tête tranchée et tous les membres de son corps dispersés, pour être ensuite brûlés et les cendres jetées au vent ; les deux domestiques, à avoir là main droite coupée, et après être pendus et étranglés, leurs corps aussi brûlés[1]. — Cet événement eut lieu vers la fin du seizième siècle.

1.

Arrêt du parlement de Bretagne, t. II des Dissertations de Lenglet-Dufresnoy ; et Leloyer, liv. III, ch. iv.