Angora

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Angora. Grande ville de l’Asie Mineure, chef-lieu du sandjac, dans l’éyalet d’Anatolie, siège d’un évêque arménien. Cette ville a 40,000 habitants ; on y trouve d’importantes fabriques de camelots, faits avec le poil long et soyeux des chèvres de cette contrée, caractère particulier que partagent avec ces animaux les lapins et les chats. Les antiquités romaines sont nombreuses à Angora, et l’on en retrouve des restes dans les portes, dans les murailles ; presque toutes les constructions se composent de débris d’anciens monuments.

En effet, l’origine d’Angora remonte à ces temps où l’histoire est encore incertaine et mêlée à la fable ; cette ville est l’ancienne Ancyre de Galatie.

Pausanias attribuait la fondation d’Ancyre à Midas, fils de Gordius. Plus tard elle prit le nom de Sébaste des Tektosages. Voici comment : vingt mille Gaulois, détachés de l’armée de Brennus, ayant passé dans la Thrace maritime, furent appelés en Asie par Nicomède, roi de Bithynie, qui en avait besoin pour réprimer une révolte de ses sujets. Ils passèrent la mer qui sépare l’Asie de l’Europe, la troisième année de la 125e olympiade (278 av. J. C.). Établie d’abord dans cette partie de la Bithynie qui touche à la mer, la colonie celtique ne tarda pas à éprouver de nouveau ce besoin de mouvement qui poussait les Gaulois sur Rome, sur la Grèce, qui l’avait poussée elle-même jusque sur la terre asiatique. Elle s’avança dans l’intérieur du pays, et finit par occuper la partie septentrionale de la Phrygie. Du nom des Gaulois, la contrée qu’ils occupaient s’appela Galatie. Là était Ancyre. Lorsque Auguste réduisit la Galatie en province, il orna et agrandit Ancyre, en fit la capitale de la Galatie, et lui donna le titre de métropole. Les bienfaits de l’empereur romain ne tombèrent pas sur une ville ingrate : Ancyre commença par ajouter à son nom celui d’Augusta ou Sébaste ; elle éleva un temple à Auguste vivant, un mausolée à Auguste mort, el devant ce mausolée des tables de marbre racontèrent l’histoire de l’empereur devenu dieu, telle qu’il avait ordonné de la graver. On dit même que l’amour d’Ancyre pour son bienfaiteur traversa les mers, les plaines et les montagnes, et qu’elle parvint jusqu’à la terre d’où étaient partis les habitants de la ville asiatique : on attribue à la gratitude des Gaulois pour les bienfaits accordés aux Tektosages d’Asie, l’autel élevé à Auguste et trouvé à Narbonne, chez les Tektosages d’Europe.

La Galatie, réduite en province romaine, était comprise dans le département de l’empereur et administrée par un propréteur, Un gouvernement aux formes républicaines fut imposé à Ancyre et aux autres villes. Les choses restèrent dans cet état jusqu’aux règnes de Dioclétien et de Constantin.

Ancyre fut appelée sous les empereurs Néocore, titre qui exprimait une sorte de privilège pour adorer les princes que la mort rangeait parmi les dieux. On la nommait aussi ’Ιερά, sainte, à cause du grand nombre de monuments religieux qu’elle renfermait. En effet, Ancyre était la ville la moins exclusive du monde en fait de religion. Toutes les croyances y avaient accès, tous les mythes y étaient favorablement accueillis. Les Gaulois y avaient apporté le culte druidique ; mais ils ne s’en tinrent pas longtemps à ces pratiques apprises dans la mère patrie. Bientôt les dieux de la Grèce y eurent leurs temples ; la Phrygie, l’Égypte envoyèrent leurs divinités à ce panthéon hospitalier. Saint Paul vint prêcher l’Évangile dans cette ville pleine de faux dieux, et la vraie religion y trouva des sectateurs. Saint Paul parti, les Galates, remontant aux sources du christianisme, crurent devoir s’asservir aux œuvres de la loi mosaïque. Dans la première moitié du quatrième siècle, le pape saint Jules éleva l’église d’Ancyre au nombre des églises apostoliques, c’est-à-dire fondées parles apôtres ; et elle tint dès lors un des premiers rangs parmi les autres. Plusieurs conciles y furent réunis. Cette célébrité chrétienne n’empêchait pas Ancyre de faire honneur à ses païennes épithètes de Néocore et de Sacrée, comme le prouvent des médailles de Julia Domna, de Caracalla, et une inscription en l’honneur de l’empereur Julien, que les pontifes de la ville allèrent recevoir, portant avec eux leurs idoles.

Sous le règne de Constantin, la Galatie fut la seconde des onze provinces qui constituaient le diocèse de Pont. Sous Théodose le Grand, elle fut partagée en deux provinces, et Ancyre fut la capitale de l’une des deux.

En 625, Ancyre fut prise parles Persans ; elle fut saccagée par les Arabes au septième et au huitième siècle ; les Turcs s’en emparèrent en 1085 ; les croisés la prirent en 1101, les Tatars en 1139, Amurat en 1359. Timour vainquit Bajazet près d’Ancyre, en 1402, et la ville ouvrit ses portes au vainqueur. Enfin, Mahomet Ier (1405) remit pour toujours sous la domination turque l’antique cité, appelée désormais Angora ou Angoura.

Cette histoire explique l’existence des antiquités romaines qui se trouvent en si grand nombre à Ancyre. Tant de mutations politiques et religieuses ont dû laisser leurs traces. Il y a là, en fait d’objets pouvant servir de modèles de l’art antique, eu fait d’inscriptions précieuses, des trésors inépuisables. Les plus remarquables de ces débris sont les deux lions de grandeur naturelle qui se trouvent près de la porte de Smyrne, et les inscriptions gravées sur six colonnes, restes du temple d’Auguste, que l’on connaît sous le nom de monument d’Ancyre.