Album

  • A. V. Arnault
  • Encyclopédie moderne

Album. On donne ce nom à un cahier ou à un livre dont toutes les pages blanches sont destinées à recevoir ce qu’on y voudra tracer, prose ou vers, musique ou dessin.

Un album rempli est la collection la plus incohérente qu’on puisse imaginer ; formé sous l’influence du hasard, c’est un véritable pot-pourri, c’est un livre sans queue ni tête.

Quelle est l’origine des album ? La même, je crois, que celle des journaux de voyage. Quelques voyageurs ayant invité les personnes avec lesquelles ils avaient eu des rapports dans les villes où ils s’étaient arrêtés à laisser sur leur journal quelques traces de leur talent en signe de leur souvenir, cela passa en usage ; et, la plupart du temps, ce journal de voyage ne fut plus qu’un livret exclusivement destiné à recevoir ce que les étrangers y voudraient bien consigner. Tel est l’album proprement dit.

Des personnes très sédentaires, les dames surtout, adoptèrent bientôt cet usage, qui fut importé d’Allemagne en France vers le commencement de ce siècle. Pas une dame qui n’ait un album. Une femme à la mode ne se donne pas de repos qu’elle n’ait mis à contribution le peintre, le poète, le musicien et le prédicateur en vogue pour remplir son album.

Méfiez-vous en général de la prose et des vers d’un album ; les trois quarts ne sont, sous ce rapport, qu’un livre d’office spécialement composé pour la sainte dont le nom est en tête. Mais dans ce livre d’office, comme dans les autres, on trouve parfois de belles images. Nos premiers artistes, en essayant leurs crayons dans plusieurs album, leur ont donné une valeur bien supérieure à celle de tout autre livre.

L’album qui contient des vers de Parny ; de Ducis ou de Chénier, écrits par eux-mêmes, est sans doute une chose curieuse ; mais l’album qui contient un dessin de Gérard, d’Horace Vernet, ou une fleur de Redouté, est surtout une chose précieuse.

Le livre qui doit recevoir tant de richesses est ordinairement fabriqué avec une recherche particulière : la reliure d’un album ne saurait être trop magnifique. Le maroquin et le tabis sont prodigués pour sa confection. Les pierres fines, les perles, la turquoise, brillent sauvent dans l’or des agrafes qui le ferment, et dans celui qui protège les angles de sa couverture. Les album les plus riches ne sont cependant pas toujours les plus estimés : leur magnificence, comme celle de certains habits, ne revêt quelquefois qu’un corps sans esprit ou sans âme.

Le nom d’album se donne aussi à l’une des colonnes d’un registre où l’on recueille le bien ou le mal relatif à un individu. La colonne du bien se nomme album, par opposition à celle du mal, qui se nomme nigrum. C’était dans ces formes-là qu’en 1796 un libelliste célèbre avait établi une balance publique des réputations.

Un pareil registre, tenu avec franchise, ne serait pas sans utilité pour l’historien. C’est ce que sentait cet homme d’esprit qui disait que, pour bien apprécier la révolution, il faudrait lui ouvrir un compte en parties doubles.