Aérostat

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Aérostat, appareil au moyen duquel on s’élève dans l’atmosphère, à l’aide d’un air plus léger qu’il contient. En général, les aérostats sont remplis de gaz hydrogène. Ceux qui s’élèvent en vertu de la dilatation de l’air échauffé prennent spécialement le nom de montgolfières. Communément on appelle les uns et les autres ballons.

C’est un magnifique spectacle que celui de l’homme s’élançant dans l’espace, dont l’accès lui semblait interdit par la nature, et porté par l’élément qu’il a dompté. Qui n’a senti son cœur battre au départ de ces hardis voyageurs, qu’un rien peut précipiter brises sur la terre, et qui vont gaiement affronter la mort, tantôt pour donner un spectacle, tantôt pour avancer la science, tantôt pour découvrir les moyens de diriger leur machine ? Pour l’aéronaute, c’est aussi une grande jouissance que la vue de cette multitude curieuse accourue pour le contempler à son départ, et qui se rassemble avec enthousiasme sur le chemin de son esquif aérien.

Ordinairement l’aérostat est composé d’un ballon ou enveloppe sphérique en étoffe rendue imperméable au moyen du caoutchouc et contenant le gaz hydrogène. Un réseau ou filet recouvre le ballon et se rattache à un cercle de bois nommé équateur ; de l’équateur descendent des cordes qui soutiennent un grand panier d’osier ou nacelle, dans laquelle se place l’aéronaute. La nacelle contient en outre : du sable ou lest, dont l’aéronaute se débarrasse lorsqu’il veut remonter ; des instruments de physique, qui lui indiquent sa direction, la hauteur à laquelle il se trouve, la température, etc. ; de la nourriture pour réparer ses forces, des vêtements pour éviter le froid des hautes régions de l’atmosphère, un grappin ou petite ancre pour s’accrocher à la terre lorsqu’il est sur le point de quitter sa nacelle. Enfin une corde lui permet d’ouvrir une soupape située au sommet du ballon, pour laisser échapper le gaz, lorsqu’il veut descendre vers la terre. Par ce moyen, si l’aéronaute ne peut se diriger contre le vent, il peut du moins monter et descendre à volonté dans l’atmosphère.

Tout le monde sait qu’un corps plongé dans l’eau perd une quantité de son poids égale à celle du volume de liquide qu’il déplace. C’est en vertu de ce principe, découvert par Archimède, qu’un morceau de liège tend à flotter sur. l’eau, parce que le volume d’eau qu’il déplace, égal a son propre volume, pèse plus que lui-même. Or, cette loi de l’hydrostatique est parfaitement applicable à l’aérostatique, et ce qui est vrai pour l’eau et les autres liquides est également vrai pour les fluides gazeux. C’est donc aussi sur cette loi que reposent la théorie de l’aérostation et la construction des aérostats. Un ballon s’élève parce qu’il déplace un volume d’air dont le poids est supérieur au sien. Mais la pesanteur de l’air est une découverte toute moderne, et c’est seulement dans la seconde moitié du dix-huitième siècle que la science a reconnu que les divers fluides aériformes possèdent des pesanteurs spécifiques différentes. Ainsi tout gaz dont la pesanteur spécifique serait notablement moindre que celle de l’air, pourrait servir à remplir un ballon. Les premiers aérostats que l’on ait construits étaient tout simplement remplis d’air raréfié ; et si l’on donne la préférence à l’hydrogène, c’est qu’il est beaucoup plus léger que l’air, puisque sa pesanteur spécifique, lorsqu’il est pur, est à celle de l’air comme 69 est à 1000.

La chaleur appliquée à l’air, le raréfie, le dilate et en diminue par conséquent la pesanteur spécifique. Cette diminution de pesanteur s’effectue en proportion du degré d’intensité de la chaleur. Ainsi, par une température extérieure de 15° centigrades, l’air échauffé à l’intérieur à 60° augmente son volume d’un tiers, en d’autres termes perd environ un tiers de son poids ; d’où il résulte qu’un mètre cube d’air chaud à 60° pèse 1 kg environ au lien de 1,300 g, poids de l’air extérieur à 15°. Chaque degré centigrade de chaleur augmente, comme on le voit, le volume de l’air de 0,0074. Si donc l’air renfermé dans un appareil quelconque est modifié par la chaleur et se trouve dilaté au point que sa pesanteur soit moins considérable qu’une masse d’air égale, cet appareil doit s’élever dans l’atmosphère jusqu’à ce que l’air qu’il contient devienne plus froid et se condense davantage, ou bien que, l’air environnant devenant moins dense, ces deux espèces d’air aient atteint une pesanteur spécifique égale, le tout en tenant compte du poids de l’appareil. En tout état de cause, l’appareil redescendra graduellement si la chaleur n’est pas renouvelée et ne diminue de nouveau sa pesanteur. Telle est la théorie des montgolfières. Mais si on remplissait l’appareil d’un fluide élastique plus léger que l’air atmosphérique, il continuerait à s’élever jusqu’à une hauteur où les couches d’air environnantes auraient le même degré de pesanteur spécifique. Tel est le système des aérostats inventés par Charles.

Connaissant les pesanteurs spécifiques relatives de l’air et du gaz, ainsi que le poids de l’enveloppe dans laquelle on veut enfermer ce dernier, il est facile de calculer les dimensions que doit avoir le ballon pour s’élever dans l’air atmosphérique et emporter avec lui un poids donné à une hauteur donnée. Un mètre cube d’air, au niveau de la mer et sous la pression atmosphérique ordinaire, pèse 1,299 grammes ; dans les mêmes conditions, une sphère d’air d’un mètre de diamètre pèsera 683 grammes environ. Si l’on admet que le gaz hydrogène employé à gonfler le ballon soit seulement dix fois plus léger que l’air, il en résultera que la force avec laquelle une sphère d’hydrogène de même diamètre tendra à s’élever dans les airs sera de 615 grammes. Pour des sphères de différentes grandeurs, la force ascensionnelle sera proportionnelle à leur volume, ou autrement au cube de leur diamètre. Ainsi une sphère de 6 mètres s’élèvera avec une force égale à deux cent seize fois la première, c’est-à-dire une force de 133 kg, et une sphère de 12 mètres avec une force de 1,062 kg. Mais il faut déduire des chiffres ci-dessus le poids de l’enveloppe, de sorte qu’un ballon de 20 mètres enlèverait un poids égal à 4,640 kg environ, tandis qu’un petit ballon d’un mètre de diamètre ne pourrait que flotter à la surface du sol, le poids du tissu étant presque égal à la force ascensionnelle résultant de la différence entre la pesanteur spécifique de l’air et celle du gaz emprisonné.

La hauteur à laquelle un aérostat peut s’élever est déterminée par la loi qui règle la diminution de densité des couches atmosphériques à mesure qu’on s’éloigne de la terre. La force élastique diminue avec la densité, et lorsqu’elle se trouve réduite à une quantité seulement égale au poids du ballon et de ses appendices, il est impossible que l’appareil s’élève plus haut. Une autre circonstance vient encore restreindre la possibilité de s’élever au delà de certaines limites. À mesure que la pression de l’air extérieur diminue, la force expansive du gaz enfermé va en augmentant, et à la fin cette dernière vaincrait la résistance que pourrait lui offrir toute enveloppe, quelque solide qu’elle fût. Un ballon exactement rempli d’hydrogène serait mis en pièces par le gaz aussitôt qu’il serait parvenu à une faible hauteur dans l’atmosphère si l’aéronaute n’avait la précaution de laisser échapper, en ouvrant la soupape du ballon, une partie du fluide emprisonné. Pour éviter cela on ne remplit pas exactement le ballon, qui se distend à une certaine hauteur.

Dans la plupart des ascensions aérostatiques on se sert à présent tout simplement du gaz de l’éclairage (hydrogène carburé) ; autrefois on demandait l’hydrogène dont on remplissait les ballons à la décomposition de l’eau par l’action du fer ou du zinc et de l’acide-sulfurique. « La production de l’hydrogène pur constituait, dit M. Dupuis-Delcourt, une opération coûteuse et difficile ; il n’était pas rare de voir des expériences de ballon manquer par le défaut du remplissage. Aussitôt que la propagation de l’éclairage l’a permis, et que les aéronautes ont été assurés de trouver dans chaque grande ville un gazomètre dont il n’y avait qu’à tourner le robinet pour voir leur ballon s’enfler et monter, ils ont substitué ce mode de remplissage à l’ancien. Par ce nouveau moyen, les enveloppes aérostatiques ont moins de durée ; il a fallu aussi en agrandir considérablement la dimension. Mais il y a d’une part économie comme prix de revient dans le remplissage de la machine, et d’autre part l’art aérostatique a fait ainsi un véritable progrès en raison de la stabilité, de l’assiette que les nouveaux ballons ont prise dans l’air, à cause de leur volume, que la pesanteur du gaz hydrogène carboné a obligé de doubler et même de tripler. » Quant aux enveloppes, après la toile recouverte de papier, d’une peinture en détrempe ou d’un vernis, on a employé le taffetas vernis, la baudruche, les étoffes caoutchoutées, la soie préparée à la gutta-percha ; la soie cuite, le taffetas de Lyon, le satin croisé et la double florence préparée au vernis sont les étoffes préférées.

On ne saurait apporter trop de soin dans le choix des étoffes dont se compose l’enveloppe d’un aérostat. On doit aussi essayer les cordages qui composent le filet, s’assurer du jeu de la soupape, etc. Dans l’espoir de diminuer les dangers d’explosion par l’effet de la distension du gaz, on a voulu essayer de confectionner des ballons avec des lames métalliques. M. Dupuis-Delcourt fit construire en 1843 un ballon avec des lames de cuivre très minces ; mais le défaut d’homogénéité du métal et plusieurs autres circonstances l’ont empêché de réussir.

Quant à la forme du ballon, la figure sphérique est la plus usitée, et parait la meilleure lorsqu’il s’agit de s’abandonner au vent, comme on le fait dans la plupart des cas. Plusieurs de ceux qui ont essayé de diriger les aérostats ont adopté la forme ellipsoïde, qui se rapproche de celle du poisson.

La pensée d’inventer un appareil à l’aide duquel on pût s’élever dans l’air parait avoir dès la plus haute antiquité occupé l’esprit humain. On en chercha d’abord le moyen dans quelque mécanisme se rapprochant des ailes des oiseaux. On ne peut faire que des hypothèses sur le moyen qu’employait Archytas pour faire voler une colombe de bois. Roger Bacon, vers 1292, s’était aussi ingénié à construire une machine pour atténuer le poids d’un homme et lui donner la facilité de se diriger dans l’air comme les oiseaux. En 1670 le P. Lana s’était proposé de construire un navire aérien soutenu par quatre grands ballons en cuivre vides d’air. Le P. Galien publia en 1755, à Avignon, un livre intitulé Art de naviguer dans les airs, dans lequel il propose de faire un immense ballon rempli d’air pris dans la région de la grêle, afin que ce ballon fût plus léger et plus apte à s’élever. Dante, de Pérouse, se cassa la cuisse en volant avec des ailes. Besnier imagina un appareil avec lequel il s’élançait dans l’espace. Bemoin, à Francfort, le marquis de Bacqueville, à Paris, ne furent pas heureux dans leurs essais d’aviation, c’est-à-dire de transport mécanique dans l’air.

Les Anglais ont revendiqué l’invention des aérostats. Il est vrai que Cavendish ayant découvert la légèreté de l’hydrogène, Black remplit des vessies de ce gaz, mais elles ne purent s’élever à cause de leur poids. D’un autre côté, le papier ne gardait pas le gaz. Plus tard, Cavallo répéta ces expériences en gonflant des bulles de savon avec l’hydrogène : alors les bulles montèrent au plafond, où elles crevèrent. Mais tous ces essais, toutes ces expériences de laboratoire ne laissaient entrevoir aucune application utile, lorsque Montgolfier fit sa belle découverte. On dit que, brûlant un jour de vieux papiers, il s’aperçut qu’un sac enflammé par son orifice s’élevait rapidement dans l’air, et s’y maintenait tant que l’orifice était échauffé. D’autres disent qu’Étienne Montgolfier, après avoir lu attentivement les œuvres de Priestley sur les densités différentes des gaz, fut frappé d’une idée subite en montant une côte : en emprisonnant, se dit-il, dans une enveloppe un nuage, un gaz plus léger que l’air, on doit pouvoir enlever des fardeaux, des hommes peut-être. Cette pensée communiquée a son frère Joseph fut aussitôt discutée, élaborée, éclaircie, mise en pratique avec de petits sacs de papier ou de taffetas remplis d’hydrogène. Quelle que soit la vraie des deux versions, ce qu’il y a de sûr c’est que Joseph Montgolfier continua à Avignon, en 1782, une série d’expériences ; mais l’hydrogène traversant trop facilement les enveloppes, on chercha un autre gaz. On pensa à la fumée produite par la paille et la laine, et une expérience réussit près d’Annonay. Les états du Vivarais étaient alors assemblés : les frères Montgolfier les prient d’assister à une expérience qu’ils doivent faire sur la place de la ville, et le 5 juin 1783, devant le corps entier des états, un gros ballon de 110 pieds de circonférence, en toile couverte de papier, est rempli par les inventeurs d’un gaz qu’ils prétendent savoir faire ; dix hommes suffisent à peine à le retenir ; puis on le laisse aller : en dix minutes il se trouve à 1000 toises d’élévation ; ensuite l’aérostat descend doucement dans les vignes voisines.

Aussitôt le bruit de cette expérience se répand partout. Tous les physiciens répètent l’essai ; mais comme le gaz des Montgolfier était inconnu, on se servit d’hydrogène, connu alors sous le nom d’air inflammable. Au lieu de papier, Charles imagina d’employer du taffetas gommé, qui retenait mieux le gaz. Une souscription nationale s’ouvrit pour faire un essai, et elle fut bientôt couverte. Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à gonfler ce premier ballon, établi dans la cour de la maison où demeurait Charles, place des Victoires. À force de soin, et moyennant 1000 livres de fer et 498 d’acide sulfurique, on parvint en quatre jours à gonfler un ballon de 4 mètres de diamètre, qui pouvait enlever à peine dix-huit livres. Le 26 août 1783, le ballon était prêt. On le porta dans la nuit au Champ de Mars ; là on acheva de le gonfler, et le 27, à cinq heures du soir, le ballon partit, au bruit du canon, devant la foule accourue de toutes parts. Il s’éleva avec une telle vitesse qu’en deux minutes il disparut dans un nuage. Trois quarts d’heure après, cet aérostat tombait à côté d’Écouen.

Quelques jours plus tard, Montgolfier arrivait à Paris et recevait de l’Académie des Sciences l’invitation de faire construire une machine aux frais de ce corps savant. Il se mit à l’œuvre, et fit un ballon de 70 pieds de haut sur 40 de diamètre. Le 12 septembre, devant les commissaires de l’Académie, ce ballon fut gonflé en 10 minutes au moyen d’un grand feu de paille et de laine hachée ; mais la pluie battante et le vent détruisirent cette machine.

Le 19 une autre expérience eut lieu devant le roi à Versailles. En cinq jours on avait monté une montgolfière en toile, couverte de papier peint et décorée avec soin. À une heure la machine se gonfle ; et, bien qu’un coup de vent l’ait fendue vers le sommet, le ballon s’élance rapidement, emportant avec lui une cage qui renfermait un mouton, un coq et un canard. Arrivé à 240 toises de hauteur, l’aérostat s’arrêta, et, après avoir plané quelques instants, il s’abattit dans le bois de Vaucresson. Dans la descente, la cordé qui retenait la cage fut coupée par une pile de bois ; les animaux furent détachés et tombèrent sans accident grave.

Cette expérience fit naître à l’esprit de quelques nommes la pensée de se livrer aux hasards de l’ascension en aérostat. Montgolfier construisit une énorme machine de 70 pieds de haut et de 46 de diamètre, richement ornée, et sous laquelle était disposée une galerie de 25 pieds de diamètre. Au milieu était une ouverture où pendait avec des chaînes de fer un réchaud de même métal, dans lequel on pouvait entretenir un feu de paille et de laine, ; car les frères Montgolfier croyaient toujours que l’ascension était due au gaz produit par la combustion de la laine. Pilâtre de Rosier fit trois ascensions dans cet appareil, le ballon maintenu par des cordes : il put parfaitement monter et descendre à volonté en rallumant ou en laissant éteindre le feu. Dans une des expériences, l’aérostat s’embarrassa dans des arbres, et l’aéronaute le tira parfaitement de danger. Enfin, une autre personne, Giroud de Villette, osa l’accompagner, puis après lui le marquis d’Arlanaes. Ces essais avaient lieu dans la cour de Réveillon. Quelques mois plus tard des femmes, des marquises, des comtesses, faisaient des ascensions en ballon captif.

Mais tout cela n’était qu’un jeu. Le 21 novembre 1783 Pilâtre de Rozier et d’Arlandes s’enlevèrent, à une heure cinquante-quatre minutes, du jardin de la Muette, dans une montgolfière libre, sous laquelle brûlait de la paille. Les aéronautes coururent les plus grands dangers, le feu ayant pris à l’appareil ; mais, par l’application d’éponges mouillées, ils parvinrent à l’éteindre et descendirent sains et saufs dans la plaine de Gentilly.

Le second voyage aérien s’accomplit le 1er décembre 1783, avec un globe de 20 pieds de diamètre en taffetas enduit de gomme élastique et rempli de gaz hydrogène, monté par Charles et Robert. À une heure quarante minutes, les aéronautes partirent du jardin des Tuileries, et allèrent descendre dans la prairie de Nesle ; Robert sortit le premier de la nacelle, et Charles s’enleva de nouveau pour retomber un peu plus loin.

Cette ascension causa une vive sensation dans Paris. L’Académie des Sciences décerna le titre d’associé surnuméraire à Montgolfier, à Charles, à Robert, à Pilâtre de Rozier et au marquis d’Arlandes. Montgolfier reçut des lettres de noblesse pour son père ; Charles eut une pension de 2,000 livres, Robert une pension de 100 pistoles. Pilâtre de Rozier n’eut aussi qu’une pension de 1,000 livres, qu’il trouva trop modique.

La troisième ascension eut lieu à Lyon, le 19 janvier 1784. Montgolfier l’aîné, Pilâtre de Rozier, Fontaine, le prince de Ligne et trois autres personnes de qualité furent enlevés à 500 toises environ par une énorme montgolfière, de 126 pieds de haut sur 100 de diamètre, et transportés à une lieue de la ville sans accident.

Dès lors on se mit à imiter partout les hardis voyageurs. Le 25 février don Paul Andréani et les deux frères Gerli s’enlevaient dans une grande montgolfière à Milan. À Marseille, deux négociants, Bremont et Maret, s’élèvent, le 8 mai, dans une montgolfière qui prend feu, et échappent avec peine au danger. Nantes voit l’ascension du Suffren ; à Bordeaux, huit personnes s’enlèvent dans une montgolfière, etc. La mode s’en mêla et on voyait de tous côtés lancer des petits ballons. Le 28 juin, on enleva une montgolfière en l’honneur du passage du roi de Suède : elle était montée par Fleurant et Mme Tible, la première femme qui ait bravé les périls d un voyage aérien ; cette montgolfière atteignit 4,500 mètres. Le 15 juillet une immense montgolfière, appelée Marie-Antoinette, fut enlevée à Versailles, en l’honneur du même prince : elle était montée par Pilâtre de Rozier et le chimiste Proust ; ils descendirent dans un carrefour de la forêt de Compiègne. Le 7 janvier 1785, Blanchard traversa la Manche, avec le docteur Jefferies. Partis de Douvres à une heure, ils descendirent vers trois heures trois quarts entre Boulogne et Calais. Le 16 juin de la même année fut marqué par une catastrophe. Pilâtre de Rozier s’imagina de construire un aérostat dans lequel une montgolfière cylindrique était surmontée d’un ballon rempli de gaz inflammable. C’était, comme l’avait dit Charles, mettre du feu sous la poudre. L’explosion eut lieu en effet, et Pilâtre tomba brisé, ainsi que son compagnon Romain. Ce malheur ne ralentit pourtant pas le courage des aéronautes. En 1787, Blanchard adapta un parachute à son ballon, et fit descendre ainsi des animaux. Jacques Garnerin tenta enfin, le 1er brumaire an VI, la première descente d’un homme en parachute dans la plaine de Monceaux. Mlle Élisa Garnerin renouvela depuis cette périlleuse expérience, et M. Louis Godard l’a encore exécutée de nos jours.

Le 30 octobre 1797 Testu-Brissy s’enleva, à Bellevue, sur un cheval placé sans aucun lien sur un plateau entoure d’une légère balustrade : il descendit sans accident près de Nanterre. En 1825, Margat recommença cette expérience monté sur un cerf. Plus tard, en 1850, M. Poitevin s’enleva sur un cheval suspendu, et dans une calèche attelée. Mme Poitevin en fit autant, et l’on vit même une cavalcade de trois personnes emportée par le même ballon : les Anglais attaquèrent ces ascensions comme occasionnant des douleurs aux animaux, qui en effet rendaient le sang à la suite de ces expériences. Le 3 octobre 1804 le comte Zambeccari, Andreoli et Grassetti firent une ascension nocturne à Bologne ; ils éprouvèrent un froid insupportable et tombèrent dans l’Adriatique, où ils flottèrent pendant plusieurs heures ; mais une barque les tira enfin d’embarras. Le 16 décembre, à l’occasion du couronnement de l’empereur Napoléon, un ballon, préparé par Garnerin, partit de NotreDame, emportant 8,000 verres de couleur ; il arriva à Rome dans la même nuit, s’accrocha au tombeau de Néron, et alla s’abîmer dans le lac Bracciano. En 1809 l’Allemand Degen prétendit se diriger en l’air avec des ailes, étant soutenu par un ballon ; son expérience n’ayant pas réussi, il fut battu et bafoué, lie 7 novembre 1824, M. Dupuis-Delcourt fit une ascension avec sa flottille aérienne, composée de cinq ballons unis. Le 7 novembre 1836, M. Green passa la Manche, de Londres à Weilberg (duché de Nassau) ; le 31 mars 1850, il traversa encore le détroit, avec le duc de Brunswick, et descendit à Neufchâtel (Seine-Inférieure). Le 2 septembre 1849 Arban fit en huit heures un merveilleux voyage au-dessus des Alpes, de Marseille à Turin. Le 6 octobre 1850 les freres Godard emmenèrent cinq personnes de l’Hippodrome de Paris en Belgique.

Parmi les victimes de l’aérostation il faut citer, après Pilâtre de Rosier et Romain : Olivari, qui se tua à Orléans, en montgolfière, le 25 novembre 1802 ; Mosment, qui tomba de son ballon, où il se tenait debout sur un plateau, à Lille, le 7 avril 1806 ; Bittorff, qui périt en montgolfière, à Manheim, le 17 juillet 1812 ; le comte Zambeccari, qui périt en montgolfière, à Bologne, le 21 septembre 1812 ; Mme Blanchard, qui périt à Paris, le 16 juillet 1819, en tombant sur le toit d’une maison, les pièces d’artifice qu’elle tirait ayant mis le feu à son aérostat ; Harris, officier de la marine anglaise, tué dans une descente trop précipitée, en mai 1824, à Londres ; Sadler, tué dans une descente en ballon, à Bolton en Angleterre, le 29 septembre 1824 ; Cocking, tué le 27 septembre 1836, à Londres, dans une descente en parachute de forme renversée, de son invention, lequel, au lieu de ralentir la chute, la précipita ; Comaschi, parti de Constantinople en 1845, et dont on n’a plus entendu parler ; Ledet, qui s’éleva en ballon à Saint-Pétersbourg, en 1847, et qui a disparu ; Arban, parti de Barcelone le 7 octobre 1849, et dont on n’a plus eu de nouvelles ; Gale, qui périt le 8 septembre 1850, près de Bordeaux, après une ascension equestre ; Tardini, qui partit de Gog penhague, en 1851, pour aller mourir dans l’île de Seeland ; Merle, mort asphyxié dans les airs, en 1851, près de Châlons-sur-Marne ; Goulston, mort à Manchester, en juin 1852 ; Mlle Emma Verdier, morte eu 1853 à Montesquiou, près de Mont-de-Marsan ; Émile Deschamps, mort, le 27 novembre 1853, dans une ascension à Nîmes ; Letour, mort en 1854, à la suite d’une descente en parachute à Londres ; Thurston, perdu en 1858, dans le Michigan ; Hall, mort a Newcastle, à la suite d’une chute en ballon ; Chambers, mort le 24 août 1863 à trois milles de Nottingham, asphyxié dans un ballon mal construit. MM. Barral et Bixio faillirent périr dans les deux ascensions scientifiques qu’ils entreprirent en juin et juillet 1850. M. Dupuis-Delcourt avait déjà manqué d’être asphyxié dans son ascension du 18 juin 1842. Beaucoup d’autres enfin ont échappé comme par miracle aux graves dangers de ces expériences aventureuses.

Parmi les voyages aériens qui eurent lieu dans l’intérêt de la science, on cite les ascensions de Robertson en 1803, et surtout celles qu’entreprit Gay-Lussac en 1804, d’abord avec M. Biot, puis seul. Ce savant s’éleva à la plus grande hauteur à laquelle aucun homme fût encore parvenu, c’est-à-dire à près de 7,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Depuis, d’autres physiciens, tels que MM. Dupuis-Delcourt, Bixio et Barral ; Coxwell et Glaisher ont recommencé ces essais.

Mais la navigation aérienne manquerait en grande partie son but si l’on ne parvenait à diriger les aérostats.-Dès le commencement, des esprits ingénieux cherchèrent les moyens de les faire marcher à volonté. Le premier qui essaya de diriger les ballons dans l’air est Blanchard. Il avait d’abord rêvé un bateau volant mécanique ; il se rallia de suite aux aérostats. Il partit en effet en ballon, du Champ de Mars, le 4 mars 1784, et, au moyen d’un gouvernail, fit quelques évolutions ; il descendit vers deux heures sur le chemin de Versailles, près de la verrerie de Sèvres. Guyton-Morveau avait déjà construit, avec l’aide de l’Académie de Dijon, un aérostat garni d’une sorte de proue en toile en avant, et d’une espèce de gouvernail en arrière ; à droite et à gauche il y avait de longues rames, et d’autres rames étaient attachées à la gondole. C’est sur cette machine qu’il fit, avec d’autres personnes, deux ascensions, le 25 février et le 12 juin 1784. Dans la première le vent cassa les agrès ; dans la seconde les aéronautes parvinrent quelquefois à lutter contre le vent. Les frères Robert construisirent ensuite un aérostat cylindrique, allongé dans le sens horizontal, et renfermant un ballon qu’on pouvait remplir d’air au moyen d’un soufflet. La dilatation du gaz inflammable devait chasser l’air du ballon inséré, autant qu’il était nécessaire, en le comprimant ; le soufflet devait renvoyer de l’air dans ce ballon et comprimer le gaz inflammable de manière à donner un excès de pesanteur en raison de la quantité d’air atmosphérique introduite dans ce ballon. Les aéronautes espéraient par ce moyen « monter et descendre à volonté sans aucune déperdition d’air inflammable. » Ils devaient conduire cette machine à l’aide de rames de douze pieds de surface. Ils s’enlevèrent à Saint-Cloud, avec le duc de Chartres, père de Louis-Philippe, le 15 juillet 1784 : une rame leur servit à dompter le vent ; mais le ballon inséré empêcha le jeu de l’aérostat, qu’il fallut éventrer, et ils descendirent précipitamment. Un ingénieur, Blainville, avait imaginé de lester la nacelle au moyen de l’air atmosphérique refoulé par une pompe dans un récipient inférieur. Il y avait aussi adapté des rames. Le 18 juillet 1784, Blanchard tenta une nouvelle expérience à Rouen, et obtint un bon effet de ses ailes pour monter et descendre. L’abbé Miolan avait imaginé de laisser une ouverture latérale à une montgolfière, pour établir un courant d’air dilaté qui sortant avec force frapperait l’air et dirigerait le ballon dans un sens opposé. Son ballon prit feu avant l’expérience, le 18 juillet 1784. L’année suivante, MM. Alban et Vallet, directeurs de la fabrique de Javel, tentèrent des voyages dans lesquels ils se félicitèrent du jeu des ailes adaptées à leur ballon. Le 19 septembre 1785 Robert et Hullin partirent au jardin des Tuileries, et restèrent près de sept heures en l’air, essayant de diriger leur aérostat en attirant ou repoussant l’air au moyen d’espèces de parasols. Le 14 septembre, Lunardis fit avec mistress Sage et Biggin une ascension aérostatique, en Angleterre ; ils avaient adapté des espèces de rames à une nacelle carrée. Le 17 juin 1786, Testu-Brissy s’enleva sur une sorte de char garni de roues à ailes et suspendu à un aérostat. Il attribua une de ses descentes à ses rames. En 1789 le capitaine Scott proposa de donner aux aérostats la forme d’un poisson, d’y adapter des sortes de nageoires et une queue pour se diriger, et des espèces de vessie natatoire en avant et en arrière pour obtenir des positions inclinées de la masse par la différence de poids des deux parties du navire aérien. Meunier, officier du génie, membre de l’Académie des Sciences, rechercha mathématiquement les conditions d’équilibre des aérostats dans un mémoire très remarquable, et proposa d’entourer les ballons d’une seconde enveloppe de force, entre laquelle une pompe enverrait ou retirerait de l’air. Loin de vouloir résister au vent, Meunier cherchait à s’en faire un auxiliaire. Le principal but qu’il paraissait se proposer c’était d’atteindre les courants d’air qui entraîneraient l’aérostat dans la direction désirée. Pour arriver à ce résultat, il joignait à son enveloppe de force des roues à palettes manœuvrees par les aéronautes. En 1834 M. Lennox construisit dans le même espoir, un énorme ballon, qu’il appela l’Aigle, avec un gouvernail en avant et un en arrière de la nacelle, et de chaque côté des roues en toile analogues aux roues des bateaux à vapeur. Il introduisit dans son grand ballon un ballon particulier qui, selon la quantité d’air extérieur qu’on y envoyait, devait produire sur la pesanteur du ballon principal une différence de trente livres en plus ou en moins. D’autres imaginèrent d’appliquer la vis d’Archimède à leur ballon. M. Transon proposa un système de ballons conjugués, c’est-à-dire réunis deux à deux au moyen d’une corde, et de force ascensionnelle différente, qu’il nomma aéronefs, à l’aide desquels il espérait pouvoir atteindre les courants favorables à la direction voulue.