Acupuncture

  • Médecine
  • A. Duponchel
  • Encyclopédie moderne

Acupuncture. Acus, aiguille ; punctura, piqûre. Ce mot désigne une opération qui consiste à introduire méthodiquement, au milieu des tissus vivants, et dans un but thérapeutique, une ou plusieurs aiguilles plus ou moins longues.

Cette opération, que pratiquèrent les Chinois dès la plus haute antiquité, et qui, avec le moxa, forme à peu près tout l’arsenal médical de ce peuple, ne fut connue en Europe que vers la fin du dix-septième siècle et au commencement du dix-huitième, époque à laquelle parut le livre de Kæmpfer (Arnænitates exoticæ), dans lequel sont décrits les procédés employés en Chine. Elle fit toutefois peu de sensation, et ne tarda point à tomber dans l’oubli. Depuis ce moment, elle subit bien des vicissitudes ; tour à tour vantée et abandonnée, reprise il y a quelques années par quelques hommes distingués, tels que Béclard, Jules Cloquet, Bretonneau, Dance, etc., elle dut au crédit de ces noms une faveur qui semblait devoir se soutenir : il n’en fut rien, et c’est à peine si ceux qui la prônaient avec le plus d’ardeur osent aujourd’hui la proposer timidement ; on peut dire cependant qu’elle n’a mérité

Ni cet excès d’honneur ni cette indignité,

et qu’elle a été employée parfois avec succès dans la névralgie, dans les rhumatismes mus- culaires aigus et chroniques, dans certaines céphalalgies opiniâtres.

En Chine, où l’on attache une grande importance à cette opération, l’acupuncture exige le concours de deux personnes : celle qui détermine le lieu d’introduction et celle qui enfonce les aiguilles. Ces aiguilles, fabriquées par un artiste spécial, sont en or ou en argent, à pointe très fine et très acérée ; la grosse extrémité présente une spirale qui facilite leur introduction par rotation : elles sont renfermées dans le manche d’un petit marteau de corne, garni de plomb, qui sert à frapper l’instrument dans les premiers temps de l’opération. Il est de règle de compter par le nombre des inspirations le temps que doit séjourner l’aiguille dans la partie ; ce temps varie de deux à trente, et l’opération peut être répétée jusqu’à six fois de suite. Le bon succès de la cure exige que le malade soit à jeun. Il est aussi de principe d’introduire l’aiguille là où le mal a pris naissance, quelle que soit du reste la partie. Cependant, afin d’éviter la piqûre des gros vaisseaux, des nerfs, des tendons, des articulations, piqûre qu’on regarde comme très dangereuse, on se dirige d’après des lignes parsemées de points et tracées sur une poupée, dans le sens de l’axe du corps.

En France il n’y a pas de lieu d’élection ; le siège seul de la douleur détermine le lieu où sera enfoncée l’aiguille ; des expériences tentées sur des animaux vivants ont démontré l’innocuité de la piqûre des artères, des nerfs, des principaux vaisseaux, et du cœur lui-même. Cependant il semble plus prudent de s’éloigner du trajet des gros vaisseaux, et d’éviter de léser les organes intérieurs.

On peut pratiquer l’acupuncture par différents procédés : 1° on se borne à pousser l’aiguille et à en faire pénétrer rapidement la pointe dans les tissus ; ce procédé est le plus simple, mais il est aussi le plus imparfait et le plus douloureux ; 2° on applique la pointe de l’aiguille sur la peau, puis on lui imprime, avec le pouce et l’index, un mouvement de rotation, pendant que l’on exerce sur elle une pression légère et continue : celte manière est bien préférable ; la pointe de l’aiguille s’insinue entre les fibres, les écarte sans les diviser, et arrive à une grande profondeur sans causer de douleur ; 3° enfin, suivant le mode chinois, on favorise la première entrée de l’instrument en le frappant avec un petit marteau d’ivoire, puis on continue comme il est dit ci-dessus.

L’acupuncture est peu douloureuse ; mais comme l’aiguille enfoncée dans le tissu ne tarde point à s’oxyder, la sortie en est plus pénible que l’entrée. Quelques instants après l’introduction, on voit se former une aréole rouge qui ne tarde pas à disparaître. Quand l’acupuncture doit réussir, le soulagement survient rapidement.

Le temps d’application est variable, puisqu’il s’étend de quelques minutes à deux et même trois jours ; le plus ordinairement l’aiguille reste en place d’une heure à deux.

Les aiguilles employées sont en or, en argent, en platine ou en acier recuit ; de six à huit centimètres de long, cylindriques, légèrement coniques, très fines, très polies ; elles sont terminées d’un côté par une pointe acérée, de l’autre par un bouton métallique ou un petit anneau.

Aux effets produits par l’acupuncture, on a imaginé de joindre ceux de l’électricité, et cette opération complexe a pris le nom d’électro-puncture. Voici comment on la pratique : les aiguilles placées comme il a été dit plus haut, on décharge sur elles, à plusieurs reprises, une bouteille de Leyde ; ou bien, après avoir mis l’une en communication avec l’un des pôles d’une pile voltaïque, au moyen d’un fil métallique passé dans l’anneau qui la surmonte, on approche de l’autre un second fil métallique correspondant à l’autre pôle. Au moment où le contact a lieu, un courant électrique s’établit dans les tissus interposés aux deux aiguilles ; la partie traversée est soulevée par une secousse brusque, et le malade éprouve une vive douleur.

L’électro-puncture a été employée, avec des succès variés, dans des névralgies et des paralysies chroniques, dans l’amaurose. On l’a même recommandée pour l’asphyxie et pour les hernies engouées et étranglées.