Activité

  • Psychologie, Morale
  • Satur
  • Encyclopédie moderne

Activité. L’activité, disposition naturelle ou acquise qui nous porte habituellement à l’action, se dit proprement des personnes, et ne s’applique aux choses que métaphoriquement. L’activité ne doit pas être confondue avec la mobilité : celle-ci est une agitation sans objet, une détermination instinctive de l’enfance, qui a son but dans l’ordre des causes naturelles, dans le développement physique par le mouvement, et dans le développement intellectuel par l’instruction expérimentale des sens. L’activité, selon l’acception vulgaire, est une qualité dont les éléments sont la promptitude du jugement, l’énergie de la volonté, la facilité des mouvements organiques. De ces trois éléments, le principal est l’énergie de la volonté, qui anime les travaux des hommes, produit, emploie, distribue les richesses matérielles et intellectuelles, et fonde le bonheur physique et moral des particuliers et des nations.

Dans l’acception philosophique, l’activité est le premier attribut de la nature humaine. L’âme est sensible par ses qualités ; elle est active par ses facultés. Je sens mon activité dans la spontanéité des mouvements de mon corps et des actes de ma pensée ; je la connais par l’exercice de mes opérations ; je la conçois par la distinction du sentiment et de la volonté. Je suis passif dans le sentiment, car souvent je sens malgré moi ; mais je ne puis ni penser ni agir sans le vouloir, sans m’attribuer mes actions et mes pensées. L’activité est donc distincte de la sensibilité, et elle l’est essentiellement du mouvement ; car le principe de mon activité est en moi, et les corps n’ont point en eux le principe du mouvement qui les remue. Je cherche ce principe d’un corps à l’autre, et ne le trouvant nulle part, j’en conclus qu’il est hors de la matière. Je vois la liberté dans l’homme, et la fatalité dans l’univers.

Tout s’enchaîne dans le système moral de l’humanité. Si l’activité sert de fondement à la liberté, la liberté sert de fondement à la moralité, qui constitue la règle et la raison sociale de l’homme. Quand les passions, qui sont les forces aveugles de la nature, offusquent la raison et surmontent la liberté, l’homme perd la conscience de son activité personnelle. Il la perd sous un autre rapport, lorsque par intérêt, par faiblesse, par vanité, par ambition, il se rend esclave d’une autre volonté : alors il fait abnégation de lui-même ; il n’est plus un agent moral. L’obéissance passive, dit Platon, est l’abdication de la raison. Ici expire, avec la liberté morale, l’activité ; ici l’homme, dégradé de ses nobles facultés, n’est loué que pour ses qualités molles et passives. La générosité, la fierté, les élans d’une âme libre et élevée, y sont proscrits ou flétris par la dérision : une aveugle docilité, une honteuse soumission, y tiennent lieu de devoirs ; les vertus y sont des vertus de convention, et la politique y justifie la perversité de ses maximes par celle de la nature humaine, dont elle étouffe les plus louables dispositions.

Pour l’animal, la vie consiste à sentir et agir ; l’homme y joint la pensée, par laquelle il s’attache à la recherche de la vérité, ou à remplir les différents emplois que la société lui impose. Sous le premier rapport, la vie humaine est appelée contemplative ; elle est appelée active sous le second, sans doute parce que la contemplation ne manifeste point au dehors son activité. Hume et Kant observent que les esprits méditatifs anéantissent facilement la réalité des objets extérieurs, et ils conseillent de la recréer en rappelant la volonté à l’action et au mouvement de la vie extérieure. Platon place la vertu dans la vie contemplative ; Cicéron, dans la vie active : l’une et l’autre nous paraissent conformes à notre destination. Si l’exercice de nos facultés actives est dans l’ordre de nos devoirs, l’exercice de nos facultés intellectuelles est dans la dignité de notre nature. Les productions du génie ont toujours été la gloire des peuples, la source des bonnes lois, la lumière des bons gouvernements. Il est faux que la pureté des mœurs, le maintien des lois, la sûreté des États, soient intéressés à réprimer ou à comprimer l’essor des facultés de la raison : livrées à leur activité naturelle, elles s’élèvent et tendent toujours à l’honnêteté, selon la judicieuse pensée de Cicéron ; elles ne dégradent les esprits que lorsque, envahies par les images d’une molle sensualité ou d’une mystique sensibilité, elles rétrécissent les sentiments et énervent les caractères. C’est alors que les arts de l’imagination corrompent les mœurs en les polissant, et qu’ils abaissent la raison en l’égarant sur des contrastes choquants ou ridicules ; c’est le crime des talents frivoles et de cette littérature licencieuse que Rousseau a justement frappée de sa généreuse indignation. Mais la civilisation n’est point la politesse, et les lumières de la raison ne sont point les dons de l’imagination. Ceux-ci peuvent briller dans cet état de mollesse et de frivolité qui annonce la décadence des peuples : l’histoire dépose de cette vérité ; celles-là annoncent la maturité ou le réveil des peuples, la vigueur des âmes» et la prospérité des institutions.