Balthasar Bekker
- Dictionnaire infernal
Bekker (Balthasar), docteur en théologie réformée, et ministre à Amsterdam, né en 1634. « Ce Balthasar Bekker, grand ennemi de l’enfer éternel et du diable, et encore plus de la précision, dit Voltaire, fit beaucoup de bruit en son temps par son gros livre du Monde enchanté. » Alors la sorcellerie, les possessions, étaient en vogue depuis la réforme, qui livrait de l’espace aux esprits malins ; c’est ce qui le détermina à combattre le diable. « On eut beau lui dire, en prose et en vers, qu’il avait tort de l’attaquer, attendu qu’il lui ressemblait beaucoup, étant d’une laideur horrible : rien ne l’arrêta ; il commença par nier absolument le pouvoir de Satan, et s’enhardit jusqu’à soutenir qu’il n’existe pas. « S’il y avait un diable, disait-il, il se vengerait de la guerre que je lui fais. » Le laid bonhomme se croyait important. « Les ministres, ses confrères, prirent le parti de Satan et déposèrent Bekker. »
Il avait déjà fait l’esprit fort dans de précédents ouvrages. Dans l’un de ses catéchismes, le Mets de carême[1], il réduisait les peines de l’enfer au désespoir des damnés, et il en bornait la durée. On l’accusa de socinianisme, et son catéchisme fut condamné par un synode. Il publia, à l’occasion de la comète de 1680, des recherches sur les comètes, imprimées en flamand, in-8o, Leuwarde, 1683. — Il s’efforce de prouver que ces météores ne sont pas des présages de malheurs, et combat les idées superstitieuses que le peuple attache à leur apparition. Cet ouvrage fut reçu sans opposition. Il n’en fut pas de même de son livre De Belooverde wereld (Le monde ensorcelé), imprimé plusieurs fois, et traduit en français sous ce titre : « Le monde enchanté, ou examen des communs sentiments touchant les esprits, leur nature, leur pouvoir, leur administration et leurs opérations, et touchant les effets que les hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu ; divisé en quatre livres ; » 4 forts volumes petit in-12, avec le portrait de l’auteur[2], Amsterdam, 1694.
L’auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit perdre sa place de ministre[3], cherche à prouver qu’il n’y a jamais eu ni possédés ni sorciers ; que tout ce qu’on dit des esprits malins n’est que superstition, etc. Un peu plus tard pourtant, dans une défense de ses opinions, il admit l’existence du diable ; mais il ajouta qu’il le croyait enchaîné dans les enfers et hors d’état de nuire.
Il ne fallait pas, pour des calvinistes qui se disent si tolérants et qui le sont si peu, poursuivre si sérieusement un livre que sa prolixité seule devait rendre illisible. « Il y a grande apparence, dit encore Voltaire, qu’on ne le condamna que par le dépit d’avoir perdu son temps à le lire. » (Voyez : Chassen).